Par dérogation aux modes d'accès statutaires[1] traditionnels (concours, recrutement direct, par contrat), certains dispositifs permettent à des personnes déterminées d'accéder directement à un emploi de la fonction publique[2]. « Les emplois réservés » sont l'un d'entre eux : profondément remanié en 2008[3], il s’agit, à l’occasion de « toutes les procédures de recrutement des fonctionnaires », de réserver une partie de ces emplois à d’anciens militaires, avec une priorité aux blessés de guerre et leurs ayants-droit. Six ans après la réforme, quelle en est la portée ?
« Emploi réservé » : une voie de recrutement fondée sur la solidarité et la reconversion
Bénéficiaires « prioritaires », « non prioritaires », qui sont les concernés ?
- aux pensionnés de guerre civils et militaires ;
- aux sapeurs pompiers volontaires victimes d'un accident ou atteints d'une maladie contractée en service ou à l’occasion du service ;
- aux victimes d'un acte de terrorisme ;
- aux personnes qui, soumises à un statut législatif ou réglementaire (ex. élus) et celles qui, exposant leur vie, à titre habituel ou non, ont contribué à une mission d'assistance à personne en danger, ont subi une atteinte à leur intégrité physique, ont contracté ou ont vu s'aggraver une maladie en service ou à l’occasion du service et se trouvent de ce fait dans l'incapacité permanente de poursuivre leur activité professionnelle.
- aux conjoints, partenaires liés par un pacte civil de solidarité, concubins, et tuteurs des enfants mineurs des personnes précitées ;
- aux orphelins de guerre et aux pupilles de la Nation, sous réserve que les intéressés soient, au moment des faits, âgés de moins de vingt et un ans.
De même, depuis la loi de 2008 et le décret d’application du 5 juin 2009, le dispositif est ouvert, sans condition d'âge, aux enfants des rapatriés anciens membres des formations supplétives et assimilés ou victimes de la captivité en Algérie afin d’assurer comme le Gouvernement l’envisage, une intégration entière à la communauté nationale des harkis[11] et de leurs familles - en leur accordant « une pleine reconnaissance et une meilleure réparation » -.
L’ensemble des catégories précité est « prioritaire » sur les emplois réservés offerts au titre d'une année (cf. article L 393 du CPMIVG).
Un « passeport » simplifié d'accès aux emplois publics de catégories B et C
- sur la reconnaissance et la valorisation des acquis de l'expérience professionnelle, c’est-à-dire sur la reconnaissance et la valorisation des compétences et des connaissances acquises dans des situations de travail ou encore dans un engagement au sein d'une association ou un syndicat (comme bénévole par exemple) ;
-
pour les militaires en reconversion, à partir de son projet professionnel dans le cadre du parcours de reconversion.Une fois validé, le candidat reçoit un « passeport professionnel » récapitulant les diplômes et son parcours professionnel. Compte tenu des compétences reconnues et des souhaits qu'il aura exprimés (mobilité géographique…), il sera inscrit sur une ou plusieurs listes alphabétiques d'aptitude, établies par domaine de compétences et/ou métiers. Cette inscription a une durée limitée à 3 ans maximum.
Un dispositif appelé à être promu par une communication plus efficace
1 Le Statut général de la fonction publique est une sorte de Code du travail pour les fonctionnaires. Il est constitué de quatre titres : « Dispositions générales » Titre I : Loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires (loi Le Pors) ; « Fonction publique de l'Etat » Titre II : Loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat ; « Fonction publique territoriale » Titre III : Loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale ; « Fonction publique hospitalière » Titre IV : Loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière.
2 Etat, hospitalière (hôpitaux et leurs établissements) et territoriale (collectivités territoriales : régions, départements, communes et leurs établissements : établissements public de coopération intercommunale (EPCI : syndicats ; communautés de communes, d'agglomération, urbaines, métropoles))...
3 Loi n°2008-492 du 26 mai 2008 relative aux emplois réservés
4 A ne pas confondre d'une part, avec les « concours réservés » pour l'accès à certains corps - appelés troisièmes concours - ouverts aux candidats qui justifient de l'exercice, pendant un certain nombre d'années, d'une ou plusieurs activités professionnelles (en tant que salarié de droit privé ou travailleur indépendant), d'un ou plusieurs mandats de membre d'une assemblée locale, ou encore d'une expérience de responsable dans une association ; d'autre part, avec le « recrutement réservé » prévu, jusqu'en 2016, par la loi du 12 mars 2012 pour la résorption de la précarité dans la fonction publique, dite loi Sauvadet, dans le cadre des dispositifs de sécurisation des agents non titulaires de la fonction publique (transformation de CDD en CDI ; accès à la titularisation) dont les modalités sont variables selon les ministères et les catégories de personnel.
5 Extraits du rapport n°264 « Projet de loi relatif aux emplois réservés et portant dispositions diverses relatives à la défense », 9 avril 2008, Sénat (http://www.senat.fr/rap/l07-264/l07-2640.html)
6 Legrand Albert, La législation des emplois réservés, thèse de droit, Université de Paris, 1940, pp. 1-8
7 La loi du 30 janvier 1923 sur les emplois réservés aux victimes de guerre dans les administrations et les établissements publics a eu pour but de favoriser le reclassement social d'un million d'invalides, de 600 000 veuves et 550 000 orphelins.
8 Les fonctionnaires de l’État appartiennent à des corps (cadres d'emplois dans la FPT) qui comprennent un ou plusieurs grades et sont classés, selon leur niveau de recrutement, en catégories. Les corps sont classés en 3 catégories hiérarchiques désignées en ordre décroissant par les lettres A (emplois de niveau BAC +3), B (de niveau BAC), C (de niveau brevet des collèges, BEP ou CAP ou sans diplôme). Ces corps groupent les fonctionnaires soumis au même statut particulier et ayant vocation aux mêmes grades.9 Loi n° 2009-972 du 3 août 2009 relative à la mobilité et aux parcours professionnels dans la fonction publique10 Seule restriction au dispositif pour ces catégories de personnes : être exclue depuis moins de cinq ans de la fonction publique pour un motif disciplinaire.11 Source encyclopédie Universalis : Le terme de harkis, tiré de l'arabe harka (mouvement), s'applique aux soldats de certaines unités supplétives autochtones d'Algérie engagées avec l'armée française contre la rébellion indépendantiste, de 1954 à 1962. Cette appellation s'est étendue abusivement à tout autochtone ayant pris le parti de la France durant la guerre d'Algérie, qu'il soit civil ou armé, ainsi qu'à sa famille.12 Le détachement est la position du fonctionnaire placé hors de son corps ou cadre d'emploi d'origine et continuant à bénéficier dans ce corps ou ce cadre d'emploi de ses droits à avancement et retraite. L'article L4139-3 du code de la défense traite de la procédure de détachement spécifique des militaires lorsqu'ils accèdent à la fonction publique civile dans le cadre des « emplois réservés ».13 Articles 5 et 5 bis de la loi n° 83- 634 du 13 juillet 1983.14 Agence de reconversion du ministère de la défense, qui dispose de pôles et d'antennes locales implantées dans les régiments ou les bases de défense.15 À son recrutement le fonctionnaire est placé en période de stage, à l'issue de cette période, le stagiaire qui a fait preuve des aptitudes professionnelles requises à l'exercice de ses fonctions est titularisé (par arrêté). Si ses aptitudes professionnelles sont jugées insuffisantes pour permettre sa titularisation, il fait l'objet d'un refus de titularisation ou d'un licenciement pour insuffisance professionnelle (source : http://vosdroits.service-public.fr/particuliers/F18933.xhtml)16 Pendant son détachement, depuis la loi n°2011-14 du 5 janvier 2011 relative à la reconversion des militaires, le militaire perçoit une rémunération « au moins égale à celle qu’il aurait perçue s’il était resté en position d’activité au sein des armées, dans des conditions fixées par décret. » Cette mesure permet de compenser le différentiel de rémunération entre la solde et le traitement pendant la période de stage.17 Lettre adressée au président de l’AMF par le ministre de la Défense, la ministre de la Décentralisation et de la fonction publique et le secrétaire d’Etat chargé des Anciens combattants et de la mémoire le 16 octobre 201418 Jacques Feytis, Directeur des Ressources Humaines du Ministère de la Défense (source : Défense Mobilité Radio – Emploi-public.publidia.fr. 2013)19 Voir en ce sens : Question ministérielle n°43025, JOAN 25 février 2014, p.179520 Troisième rapport du Haut Comité d’évaluation de la condition militaire (2009)
Emploi réservé, obligation d'emploi et travailleur handicapé : Les emplois réservés aux travailleurs handicapés dans la fonction publique sont supprimés depuis le 1er janvier 2006 (cf. Loi n° 2005-102 du 11 février 2005 pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées). Les employeurs sont tenus d’employer, à temps plein ou à temps partiel, 6 % de bénéficiaires de « l’obligation d’emploi ». À savoir notamment : les personnes reconnues travailleurs handicapés par la Commission des droits et de l’autonomie des personnes handicapées – CDAPH ou atteintes de maladies professionnelles (taux d’incapacité reconnu par la sécurité sociale) ou bénéficiaires de l’allocation adulte handicapé (AAH) ou titulaires de la carte d’invalidité ou d’une pension d’invalidité versée + les agents qui bénéficient d’une allocation temporaire d’invalidité, etc. (cf. article L 5212-3 du Code du Travail).
Pour aller plus loin :Loi n° 2008-492 du 26 mai 2008 relative aux emplois réservés et portant dispositions diverses relatives à la défenseLoi n° 2011-14 du 5 janvier 2011 relative à la reconversion des militairesDécret n° 2009-629 du 5 juin 2009 relatif aux emplois réservés et au contentieux des soins gratuitsArrêté du 11 juin 2009 relatif au dossier de candidature aux emplois réservésCode des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre (Articles L394 à L398 et Articles L399 à L407 ; Articles R396 à R407 et Articles R408 à R41)Troisième rapport du Haut Comité d’évaluation de la condition militaire (2009)Lettre adressée au président de l’AMF par le ministre de la Défense, la ministre de la Décentralisation et de la fonction publique et le secrétaire d’État chargé des Anciens combattants et de la mémoire le 16 octobre 2014.
Les Sites utiles :Site Internet de la Mission Interministérielle aux Rapatriés MIR (emploi des enfants de Harki)Site Internet dédié aux emplois réservés du Ministère de la Défense : www.emplois-reserves.defense.gouv.frSite de l'agence Défense Mobilité : http://www.defense-mobilite.fr/