L'Organisation du Traité de l'Atlantique Nord (OTAN) a fêté ses 60 ans lors du sommet de Strasbourg et Kehl, les 3 et 4 avril 2009. La tenue de ce sommet a été l'occasion pour la France d'annoncer son retour dans le commandement militaire intégré. Comprendre les enjeux de cette décision implique de connaître le fonctionnement de l'OTAN.
Au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, l'Europe de l'Est et l'Europe de l'Ouest se trouvent séparées par les divisions idéologiques et politiques de la Guerre froide.
Confrontés, entre 1945 et 1949, à l'urgence de la reconstruction économique, les pays d'Europe occidentale et leurs alliés d'Amérique du Nord qui, conformément aux engagements pris pendant la guerre, avaient réduit leurs effectifs militaires, constataient avec une préoccupation croissante que l'Union soviétique entendait préserver toute la puissance de ses forces armées.
Signé le 4 avril 1949, le Traité de Washington - ou Traité de l'Atlantique Nord - instituait un système de sécurité commune fondé sur un partenariat entre douze pays[1].
Dans sa forme première, l'Alliance Atlantique restait une coalition de type traditionnel, très informelle[2].
Le traité créait cependant - dès 1949 - un embryon d'organisation permanente, sous la forme d'un Conseil, composé de représentants de chacun des États membres.
Le déclenchement de la guerre de Corée en 1950 conduit cependant les États signataires à renforcer leur coopération par la création d'une structure politique et militaire permanente.
Les travaux aboutissent à la création de l'Organisation du Traité de l'Atlantique Nord (OTAN)[3], dotée d'un secrétariat général administratif.
La chute de l'URSS à la fin des années 1990 n'a pas pour autant entraîné la dissolution de l'OTAN, qui demeure la principale organisation militaire internationale en marge de l'Organisation des Nations Unies (ONU).
Après avoir abordé les missions de l'OTAN (I), il faudra s'intéresser à son organisation (II) pour comprendre les enjeux du retour de la France dans le commandement militaire intégré de l'Organisation.
I - Les missions de l'OTAN
Le concept stratégique de l'OTAN a connu trois évolutions depuis la création de l'Organisation, traduisant les évolutions des relations internationales depuis les années 1950.
La stratégie de l'OTAN se concentre, dans un premier temps, sur la notion de « représailles massives », visant à permettre à l'Organisation de mener des opérations militaires de grande envergure en cas d'attaque de l'un de ses membres. L'accent est mis sur la dissuasion, l'OTAN menaçant de riposter à toute agression contre ses pays membres par tous les moyens à sa disposition, dont, en particulier, les armes nucléaires.
Progressivement, l'idée de représailles massives est remplacée par celle de « riposte graduée », permettant à l'Organisation de faire preuve de davantage de souplesse en cas de menace pour la souveraineté ou l'indépendance de l'un quelconque de ses pays membres.
Dans un deuxième temps, la fin de la Guerre froide impose un profond renouvellement de l'OTAN, dont la raison d'être semble compromise[4].
Un nouveau concept stratégique prend forme au cours des deux années qui suivent la chute du mur de Berlin, mettant l'accent sur la coopération avec les anciens adversaires, par opposition à la confrontation. La sécurité des pays membres reste l'objectif fondamental de l'OTAN, mais vient s'y ajouter l'obligation spécifique d'½uvrer dans le sens d'une amélioration et d'un élargissement de la sécurité pour l'Europe tout entière.
Dans un troisième temps, les États membres décident, en 1997, d'actualiser le concept pour prendre en compte les changements intervenus en Europe, tout en confirmant l'attachement de l'Alliance à la défense collective et au lien transatlantique.
Se situant dans la continuité du concept de 1991, il englobe des moyens politiques et militaires complémentaires, et met l'accent sur la coopération avec d'autres États partageant les objectifs de l'Alliance.
Il prend également en compte le développement de la Politique étrangère et de sécurité commune (PESC) de l'Union européenne.
C'est dans le cadre de cette stratégie renouvelée que l'Organisation a été amenée, à deux reprises dans les vingt années, à intervenir dans des conflits armés[5].
Depuis la création dans les années 1950, les missions de l'OTAN n'ont cessé d'évoluer, pour mieux correspondre aux attentes des États membres et suivre l'évolution de risques militaires dans le monde.
Son organisation interne a également connu un certain nombre de bouleversements.
II - L'organisation de l'OTAN
Alors que l'OTAN n'avait accepté que quatre nouveaux membres en plus de quarante ans[6], le nombre des États signataires a presque doublé depuis 1994, passant de 16 à 28[7]. L'élargissement, dont l'importance tient davantage à sa portée politique qu'aux enjeux militaires, est appelé à se poursuivre en vertu de la politique de la « porte ouverte » réaffirmée à de nombreuses reprises par les membres de l'Alliance.
Il donne un nouveau visage à l'architecture de sécurité en Europe et continue de poser la question de la place de la Russie dans cette dernière et plus généralement des limites géographiques de l'Organisation.
Ainsi les candidatures de la Géorgie et de l'Ukraine ont-elles été bloquées en 2006, dans un souci d'apaisement des relations entre l'Organisation et la Russie.
En revanche, l'OTAN envisage de développer des partenariats stratégiques avec certains États n'en faisant pas partie, tels le Japon, la Nouvelle-Zélande ou le Brésil. L'organisation interne de l'OTAN est principalement structurée autour de deux organes, le commandement politique et le commandement militaire.
Le premier est l'organe principal de décision et est composé des représentants permanents des États membres, travaillant sous la présidence du secrétaire général de l'OTAN[8].
Le second est chargé de l'organisation et de la réalisation des missions décidées par le commandement politique.
La France a toujours tenu une place particulière au sein de l'OTAN.
Membre fondateur, elle s'est retirée de la structure militaire intégrée et de sa direction en 1966, sur une décision du général de Gaulle.
Celui-ci souhaitait ainsi garantir l'indépendance de la France vis-à-vis de l'Organisation et en particulier des États-Unis.
Cette indépendance devait concerner en particulier la force de frappe nucléaire dans le cadre de la stratégie de la dissuasion française.
Le général de Gaulle se méfiait beaucoup de l'atlantisme qu'il soupçonnait d'être une forme de domination américaine. Pour autant, le retrait de la France de l'Organisation ne signifiait pas qu'elle tournait le dos au Traité de l'Atlantique Nord et à ses obligations.
Dans le cadre d'un conflit majeur contre le Pacte de Varsovie, la République française serait restée un allié fidèle.
Elle participait donc régulièrement à des exercices militaires coordonnés avec d'autres États de l'Organisation.
La politique du président Chirac a modifié cette position, autorisant un représentant français au comité militaire depuis 1996.
C'est le début d'une évolution de la position française, qui trouve son point d'orgue avec la réintégration de la France dans les organes de commandement intégré, souhaitée par le président Sarkozy et réalisée à l'occasion du sommet des 3 et 4 avril 2009.
Sébastien Martin
[1] Les États-Unis, le Canada, la France, la Belgique, le Luxembourg, les Pays-Bas, le Royaume-Uni, le Danemark, l'Islande, l'Italie, la Norvège et le Portugal.
[2] Dans l'organisation internationale résultant de la séparation entre les deux « blocs » de l'Ouest et de l'Est, le Traité de l'Atlantique Nord était le pendant du Pacte de Varsovie, rassemblant principalement les États d'Europe de l'Est autour de l'URSS.
[3] En anglais North Atlantic Treaty Organization, (NATO).
[4]L'Organisation avait été créée pour répondre à la menace du bloc soviétique.Celui-ci ayant implosé, la question de la survivance de l'Organisation s'imposait.
[5] En 1992 d'une part, l'OTAN a
- pour la première fois de son histoire
- accepté de mettre ses moyens militaires au service des opérations de maintien de la paix de l'ONU en ex-Yougoslavie ;
en 2003 d'autre part, l'Organisation a pris le commandement des opérations militaires en Afghanistan.
[6] La Grèce et la Turquie en 1952, l'Allemagne en 1955 puis l'Espagne en 1982.
[7] La plupart des anciens États satellites de l'URSS ont rejoint l'Organisation : la Hongrie, la Pologne et la République tchèque en 1999 ; la Bulgarie, l'Estonie, la Lettonie, la Lituanie, la Roumanie, la Slovaquie et la Slovénie en 2004 ; l'Albanie et la Croatie le 1er avril 2009.
[8] Le danois Anders Fogh Rasmussen a été désigné Secrétaire général lors du sommet des 3 et 4 avril 2009, en remplacement de Jaap de Hoop Scheffer.
Pour en savoir plus sur l'OTAN : - www.nato.int - Wieder (T), « 1966, la France tourne le dos à l'OTAN », Le Monde, édition du 11 mars 2009. - « L'OTAN après la Guerre froide », dossier de La Documentation française, disponible gratuitement sur Internet : http://www.ladocumentationfrancaise.fr/dossiers/otan/index.shtml - Francois-Poncet (J), Branger (G), Rouvière (A), « Rapport d'information sur l'évolution de l'OTAN », Sénat, session extraordinaire de 2006-2007, n° 405, 85 p. (disponible gratuitement sur Internet : http://www.senat.fr/noticerap/2006/r06-405-notice.html)