La crise bancaire qui agite les principales places financières mondiales depuis quelques mois connaît ses premières répercussions sur les banques européennes, avec la disparition prochaine de la banque Dexia. Pour éponger les pertes de cette banque, l'État a décidé de faire appel à la Caisse des dépôts et consignations. Institution centrale dans le système financier français, elle demeure pourtant largement méconnue. Voici quelques pistes pour mieux l'appréhender...
L'article L.518-2 du Code monétaire et financier définit la Caisse des dépôts et consignations et ses filiales comme un « groupe public au service de l'intérêt général et du développement économique du pays ». Institution souvent méconnue, le Groupe CDC a pourtant une place centrale, au côté de l'État, dans l'encadrement de l'activité économique. Son influence comprend aussi bien le sauvetage de certaines banques que l'investissement dans les secteurs dits stratégiques, en passant par la gestion des dépôts des notaires ou le financement du logement social. Après une présentation générale du groupe (I), il conviendra d'apporter un éclairage plus particulier sur quelques-uns de ses secteurs d'activités (II).
Présentation générale
La Caisse des dépôts et consignations a été créée par une loi de finances du 28 avril 1816. Elle marque la volonté du nouveau régime d'alors - la Restauration - de rétablir le crédit financier de l'État et de mettre ainsi fin aux désordres du Premier Empire. L'état des finances publiques était en effet assez désastreux, en particulier en raison des nombreuses guerres napoléoniennes et de la période des Cent jours, caractérisée par le retour temporaire de Napoléon Ier au pouvoir et de nouveaux conflits avec les États voisins d'Europe. La création de la Caisse est donc directement liée à une situation budgétaire pour le moins délicate. Dès l'origine, elle a eu pour mission initiale de gérer les dépôts et consignations de fonds et valeurs ainsi que les forêts de l'État. Indépendante du pouvoir, elle n'en demeurait pas moins proche, comme l'atteste son statut d'établissement public placé sous le contrôle du Parlement.
À partir de 1837, elle change de fonctions en recevant toutes les disponibilités collectées par les Caisses d'épargne et utilise ces sommes considérables pour aider les collectivités locales, financer la construction de logements et réaliser des interventions économiques en complément des financements de l'État.
À l'époque contemporaine, elle est chargée d'administrer les dépôts et les consignations des notaires, d'assurer les services relatifs aux caisses ou aux fonds dont la gestion lui a été confiée. Plus largement, l'article L.518-2 du Code monétaire et financier précise qu'elle s'occupe « de la protection de l'épargne populaire, du financement du logement social et de la gestion d'organismes de retraite ». Elle contribue également au « développement économique local et national, particulièrement dans les domaines de l'emploi, de la politique de la ville, de la lutte contre l'exclusion bancaire et financière, de la création d'entreprise et du développement durable ». Enfin, elle est « un investisseur de long terme et contribue, dans le respect de ses intérêts patrimoniaux, au développement des entreprises ».
Elle a à la fois des activités d'intérêt général (gestion des dépôts des notaires) et des activités concurrentielles. Parmi ces dernières, elle assume une fonction de bailleur de fonds des grandes politiques publiques avec un comportement différent des banques traditionnelles, contribuant notamment au financement de la construction de logements sociaux. Elle gère aussi un portefeuille d'investissements à long terme.
Rapidement présentées, ces activités permettent de se figurer l'étendue des compétences de la Caisse des dépôts et consignations. Dès lors, une analyse plus précise s'impose.
Présentation de quelques secteurs d'activités
La Caisse des dépôts et consignations ne peut, à elle seule, intervenir dans l'ensemble des domaines qui relèvent de sa compétence telle que définie par le législateur. Pour étendre son influence, elle a, le plus souvent, recours à des filiales, dont elle est l'un des actionnaires majoritaires.
Dans cette seconde partie, il s'agit de présenter quelques-uns des secteurs d'activités de la Caisse et de ses filiales, ci-après nommées Groupe CDC : l'aménagement et la construction (A), les transports en commun (B), les secteurs stratégiques (C) ou encore le domaine environnemental (D).
L'aménagement et la construction : la SNI et ICADE
L'aménagement et la construction sont deux secteurs traditionnels d'intervention du Groupe CDC, depuis les années 1950. En premier lieu, la Société centrale immobilière de la Caisse des dépôts et consignations (SCIC), créée en 1954 est devenue Immobilière Caisse des dépôts (ICADE) depuis 2003. Chargée de pallier les besoins en logements, elle participe à l'amélioration de la qualité des logements en devenant le premier bailleur social en France. Elle s'est aujourd'hui recentrée sur des missions de gestion foncière, de promotion et de services associés pour des parcs tertiaires, des centres commerciaux, des équipements publics, de santé et de logement.
En deuxième lieu, la Société centrale pour l'équipement du territoire (SCET), créée en 1955, a pour mission, selon ses statuts, de « faciliter l'exécution des travaux entrepris par les collectivités locales ou par des organismes constitués avec leur concours en vue de l'aménagement et de la mise en valeur des régions ou des zones industrielles, agricoles ou d'habitation ». Même si son objet social a évolué depuis son intégration en 2004 au groupe SNI (Société nationale immobilière), filiale de la Caisse des dépôts et consignations, l'essentiel de ses compétences reste inchangé.
Les transports en commun : Transdev
Le Groupe CDC est un acteur essentiel du développement des transports en commun, par le biais de sa filiale Transdev (Société européenne pour le développement des transports publics). Elle a été créée en 1990 et est elle-même une filiale de l'ex-SCET (devenue ICADE), illustrant ainsi le mode d'action « en réseau » du Groupe CDC.
Son influence en France et dans le monde est manifeste, puisqu'elle occupe la place de 4e opérateur privé au monde, employant près de 47 000 personnes, et est présent notamment (et outre la France), en Espagne (2 lignes du métro léger de Madrid), au Royaume-Uni (tramway de Nottingham), au Maroc (tramway de Rabat-Salé) ou encore en Australie (ferries de Brisbane) et au Canada (réseau urbain d'East-Angus).
Afin de renforcer cette influence, Transdev a fusionné en 2010 avec la société Véolia transports. Véolia-Transdev devient ainsi la première entreprise mondiale dans son domaine, présente dans 27 pays sur les cinq continents, pour un chiffre d'affaires avoisinant les 8,2 milliards d'euros et 117 000 employés.
Cette fusion ne signifie pas pour autant que le Groupe CDC perd son influence sur sa filiale, car la Caisse des dépôts et consignations conserve, à elle seule, près de 51 % du capital social de la nouvelle entité.
Les secteurs stratégiques : le FSI
Le Fonds stratégique d'investissement (FSI) a été créé en 2008. Dans un contexte économique mondial incertain, l'État a décidé de mettre en place, en partenariat avec la Caisse des dépôts et consignations, une sorte de fonds souverain. Avec la création de ce fonds, c'est le rôle de partenaire du Groupe CDC qui est illustré, puisque ce dernier est actionnaire du fonds à hauteur de 51 %, tandis que l'État détient les 49 % restants.
Le FSI a été chargé de soutenir le développement des petites et moyennes entreprises (PME) prometteuses qui ont souvent des difficultés à accéder aux financements, de sécuriser le capital d'entreprises stratégiques et d'intervenir pour développer ou aider temporairement des entreprises à fort potentiel ou des projets industriels novateurs et audacieux, puis s'en désengager à moyen terme. Sa dotation, initialement de 6 milliards d'euros, a été augmentée pour atteindre les 20 milliards en 2011.
En 2010, le FSI a pris des investissements directs et indirects dans 430 entreprises, pour un montant total de 2,4 milliards d'euros (source : « 2010 en chiffres », disponible sur le site Internet du FSI, www.fonds-fsi.fr).
La protection de l'environnement : CDC Biodiversité
CDC Biodiversité a été créée en 2008. Filiale de la Caisse des dépôts et consignations, elle accompagne les entreprises, collectivités, maîtres d'ouvrage et pouvoirs publics dans leurs actions, volontaires ou réglementaires, en faveur de la biodiversité : restauration et reconquête des milieux naturels, gestion et valorisation de ces sites, compensation. Ce dernier objectif a été inscrit dans le droit français dans une loi de 1976, mais n'a jamais reçu de traduction concrète. Par la compensation, il s'agit pour la filiale du groupe de mener une action positive en contrepartie des atteintes résiduelles portées à la biodiversité par les différents projets d'aménagement ou de construction. Il peut s'agir, par exemple, de restaurer un habitat naturel endommagé par la construction d'une autoroute.
Pour aller plus loin :
Internet :
- Site du Groupe CDC : http://www.caissedesdepots.fr/
- Sites des filiales du groupe :
- SNI : www.sni.fr
- ICADE : www.icade.fr
- Transdev : www.transdev.eu
- Véolia-Transdev : www.veoliatransdev.com
- Fonds stratégique d'investissement : http://www.fonds-fsi.fr
- CDC Biodiversité : www.cdc-biodiversite.frDoctrine :
- BOUDET (J-F), La Caisse des dépôts et consignations : histoire, statut, fonction. Contribution à l'étude de ses fondements juridiques, Paris, L'Harmattan, 2006, 647 p.
- SCHPILLBERG-KATZ (J), La Caisse des dépôts, Paris, PUF (Que sais-je ?), 2010, 128 p.Presse :
- CORBIERE (C) de, « Les actionnaires de Dexia amorcent un démantèlement de la banque », Le Monde, 5 octobre 2010.
- CORBIERE (C) de, « La France et la Belgique organisent la disparition annoncée de Dexia », Le Monde, 6 octobre 2011.
- ROMANET (A) de, « La CDC sera un actionnaire actif de La Poste », Le Monde, 16 avril 2010.
Sébastien Bramak