Actualité
Le bilan de compétences dans la fonction publique... un outil encore peu utilisé
juin 2011
Jamais entendu parler ? Hérité du droit du travail, le bilan de compétences existe pourtant dans la fonction publique depuis près de 15 ans et sert à faire le point, à se connaître, à savoir optimiser ses compétences... Ouvert sous conditions d'ancienneté à tout agent public , cet outil est reconnu depuis quelques années, grâce à la loi de modernisation du 6 février 2007 qui intègre la notion de droit et de congé pour bilan de compétences. Si la réputation du bilan ne fut pas toujours excellente surtout dans le privé, bilan rimant avec « reclassement » pour licenciement ou mise au placard, bien utilisé, il peut en réalité, s'avérer être un sacré atout pour booster sa carrière, lorsque l'on s'ennuie dans son travail et/ou que l'on souhaite évoluer vers d'autres cieux...
Introduction
La demande peut être initiée par l'agent ou par l'administration et ouvre droit à un congé spécifique de 24 heures.
Réalisé par un organisme spécialisé, le bilan de compétences est composé de 3 étapes : une phase préliminaire de confirmation de la démarche ; une autre d'investigation et d'analyse ; enfin une phase de conclusion.
Reconnu pour ses qualités, ce dispositif reste sous-utilisé mais devrait, dans les prochaines années, rencontrer un franc succès dans un contexte de mobilité et de départs nombreux à la retraite.
Un outil de stratégie de carrière au service des agents et des managers
Dans la boîte à outils « gestion de sa carrière », il y a le droit individuel à la formation[1] (DIF). Ce dispositif offre à l'agent public le droit de « dépenser » plusieurs heures de formation par an, cumulables sur six ans (plafonnées à 120 heures), en accord avec son employeur (ministère, directeur d'établissement, maire, président de conseil général ou régional ou d'intercommunalité par exemple). En actionnant ce droit, l'agent va pouvoir acquérir, entretenir ou perfectionner ses connaissances, obtenir une qualification ou un diplôme (via la validation des acquis de l'expérience (VAE) ou... réaliser un bilan de compétences. Grâce à ce dernier, il fera le point sur son parcours professionnel, analysera ses aptitudes, ses compétences personnelles et professionnelles, ses motivations, afin de construire ou d'affiner un projet professionnel ou de formation, en vue d'une évolution ou d'un changement.
Côté manager, le bilan de compétences peut être conseillé pour avoir une meilleure vision des aspirations de son collaborateur et réfléchir à des pistes d'évolution possibles dans une perspective de mobilité interne, ou pour lui permettre de faire le point s'il est en situation de démotivation, d'interrogations sur ses capacités à occuper un nouveau poste ou face à des choix de carrière.
Pour les employeurs, il peut aussi s'agir d'anticiper :
- les nombreux départs à la retraite dans les années à venir : dans ce cas le bilan de compétences sera intégré dans la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences (GPEC) ;
- une réorganisation des services (par exemple : fusion des services, mutualisation des moyens humains dans une structure intercommunale...) : le bilan servira alors à aider le personnel à se positionner et à s'impliquer pleinement dans une démarche de changement.
Dans les faits et dans la fonction publique d'État par exemple, la demande de bilan pour l'agent ou sa proposition par l'administration peuvent être formulées lors de l'entretien annuel de formation, de l'évaluation annuelle ou au titre du bilan de carrière (sorte de rendez-vous d'orientation professionnel pour les agents ayant au moins 15 ans de carrière)[2].
Un outil destiné aux agents ayant de l'expérience dans le service public
Le bilan de compétences peut être réalisé à la demande de l'agent sous réserve que ce dernier réponde à certaines conditions. Ainsi, peuvent bénéficier du dispositif :
- dans la fonction publique hospitalière : les fonctionnaires quelle que soit leur catégorie[3], les agents non titulaires[4], les salariés sous contrat d'accompagnement dans l'emploi (CAE), d'avenir (CA) ou initiative-emploi (CIE), s'ils ont accompli au moins 2 ans de services dans la fonction publique, consécutifs ou non. Un bémol toutefois : l'accord sera possible dans la limite des crédits disponibles de l'association nationale pour la formation permanente du personnel hospitalier (ANFH) ;
- dans la Territoriale : les fonctionnaires, les agents non titulaires, les assistants maternels et familiaux, lorsqu'ils ont accompli au moins 10 ans de services dans la fonction publique ;
- dans la fonction publique d'État : les fonctionnaires, les agents civils non titulaires, les ouvriers d'État, ayant également au moins 10 ans de services faits dans la fonction publique.
Au cours de sa carrière, l'agent peut en bénéficier deux fois, mais le second bilan ne peut être demandé qu'au moins 5 ans après le précédent.
Le bilan peut s'effectuer hors du temps de travail ou pendant le temps de travail. Dans ce dernier cas, l'agent bénéficie d'un congé rémunéré d'une durée maximale de 24 heures. En général, il est conseillé de répartir ces heures en cinq ou six rendez-vous et pour maintenir la dynamique du travail, il est bon de le réaliser sur deux ou trois mois maximum. Mais attention : c'est l'agent qui va bâtir son projet, et non le consultant ! Aussi, viendront s'ajouter les (nombreuses) heures de travail personnel de ce dernier...
Un formalisme précis à respecter
En pratique, la demande de bilan doit être présentée par l'agent auprès de son employeur (ou l'ANFH pour les personnels hospitaliers souhaitant réaliser un bilan de compétences en dehors de leur temps de travail), généralement 60 jours avant sa date de début. La demande doit préciser les dates de début et de fin du bilan ainsi que les coordonnées de l'organisme de consultants choisi par l'agent. Cet organisme peut être soit interne à l'administration ou extérieur mais il doit faire partie des prestataires accrédités : en ce qui concerne la Territoriale, par exemple, ils doivent être inscrits sur une liste établie par le Fonds de gestion du congé individuel de formation (Fongecif). Il s'agit par cette précaution de garantir à chacun (agent et employeur) que les consultants utiliseront des méthodes et techniques fiables, qu'ils seront qualifiés pour les mettre en oeuvre et proposer des prestations conformes au droit du travail[5].
Une fois la demande enregistrée par l'administration, celle-ci dispose d'un délai de 30 jours pour accorder le congé pour bilan de compétences ou en reporter la demande. Les reports ne peuvent pas dépasser six mois et doivent être motivés. En effet, le congé pour bilan de compétences est un doit accordé sous réserve des « nécessités de service public »[6] : les absences d'une partie des agents ne doivent pas empêcher que le service rendu auprès des usagers soit assuré. Si le bilan est accepté, une convention est établie entre le bénéficiaire, l'organisme prestataire et l'employeur (ou l'ANFH le cas échéant pour ce qui concerne la fonction publique hospitalière). But de cette convention tripartite : rappeler à chaque signataire ses principales obligations (fréquentation assidue de l'organisme par l'agent, prise en charge financière des frais relatifs au bilan professionnel par l'employeur, le cas échéant, etc.)[7].
Un travail se déroulant en trois étapes bien définies...
Concrètement, les textes[8] prévoient que tout bilan de compétences comprend 3 phases :
Une phase « préliminaire » qui a pour objet de :
- confirmer l'engagement de l'agent dans sa démarche ;
- définir et d'analyser la nature de ses besoins ;
- l'informer des conditions de déroulement du bilan de compétences ainsi que des méthodes et techniques utilisées. Au cours de cette étape, le bénéficiaire va devoir répondre à deux questions fondamentales : « qui suis-je ? », « quel professionnel suis-je ? ». Pour l'aider, il aura comme outils/ressources : des tests et des entretiens. Il fera l'analyse de ses connaissances, de son parcours professionnel et personnel, ainsi que de la vision de son rôle dans l'organisation administrative. Au terme de cette étape (si tout s'est bien déroulé et qu'il n'y a pas eu d'abandon en cours), doivent émerger des orientations d'évolution professionnelle ou de changement en la matière plus important.
Une phase « d'investigation » permettant à l'agent :
- d'analyser ses motivations et intérêts (professionnels mais aussi personnels) ;
- d'identifier ses compétences et aptitudes professionnelles et personnelles et, le cas échéant, d'évaluer ses connaissances générales ;
- de déterminer ses possibilités d'évolution professionnelle. Cette phase de recherche doit lui permettre de définir la place qu'il souhaite accorder à la sphère professionnelle en fonction de ses aspirations, de ses objectifs et des satisfactions qu'il en attend, d'être informé sur les différents environnements (autres fonctions publiques, secteur privé), métiers, formations qui s'offrent à lui, les compétences et ressources qu'il peut mobiliser, et d'étudier concrètement - le bilan de compétences ne faisant pas de miracle - la faisabilité de son projet, via des démarches auprès de professionnels.
Une phase de « conclusions » qui, par voie d'entretiens professionnalisés va conduire l'agent à :
- prendre connaissance des résultats détaillés de la phase d'investigation ;
- recenser les facteurs (compétences, aptitudes...) susceptibles de favoriser ou non la réaliser d'un projet professionnel et, pourquoi pas, d'un projet de formation ;
- prévoir les principales étapes de la mise en oeuvre du/des projet(s) (professionnel et formation). C'est l'étape de formalisation d'un plan d'action concret. Autrement dit, c'est la phase de décision pour l'agent : entamer ou non sa conduite de changement, construire ou non son nouveau projet professionnel. Ce document est confidentiel : les résultats du bilan ne peuvent être communiqués à l'employeur ou à un tiers qu'avec l'accord du bénéficiaire destinataire.
... pour aboutir à un projet concret
Au bout de ce travail, l'agent sera en mesure de choisir les outils les mieux adaptés à son projet (formation intégrée ou non au DIF, VAE...). Bien que non prévu par les textes, un suivi post-bilan est d'ailleurs généralement assuré afin de faire le point sur l'état d'avancement de son projet. Dans la fonction publique, il est rare que les bénéficiaires d'un bilan de compétences changent complètement de voie et se reconvertissent mais, fréquemment, l'agent, grâce aux atouts personnels et professionnels qu'il a identifiés s'oriente vers un projet d'évolution dans la lignée de son métier, dans son administration ou dans une autre.
Véritable aide pour le personnel pour élaborer un projet professionnel ou aborder une nouvelle étape dans leur carrière (celle, souvent, de la « maturité et des choix structurants pour l'avenir »[9]), le bilan de compétences demeure un dispositif qui rencontre aujourd'hui trop peu de succès (à l'exception de la fonction publique hospitalière peut-être où il semble mieux implanté : « 2 400 dossiers ont été déposés en 2009 et... 2 382 acceptés »[10]).
Mais de beaux jours s'offrent à lui. En effet, le contexte actuel de réorganisation (notamment des services de l'État) impliquant nécessairement des mobilités dans les parcours des agents et, les nombreux départs à la retraite dans les années à venir, devrait conduire les ministères et autres employeurs publics à inscrire de tels bilans à leur budget.
Sandrine BOTTEAU
Pour aller plus loin :
Code du travail : articles L6313-1, L6313-10 et R6322-32 et suivants. Tableau récapitulatif des nouveaux outils de la formation professionnelle : http://www.fonction-publique.gouv.fr/IMG/Tableau_recap_outils_fp.pdf Réussir sa mobilité dans la fonction publique - CV/Lettre de motivation, Carrières Publiques, janvier 2011
Références : Loi n° 2007-148 du 2 février 2007 portant modernisation de la fonction publique (articles 1, 2 et 3).
Pour l'État : - décret n° 2007-1470 du 15 octobre 2007 relatif à la formation professionnelle tout au long de la vie des fonctionnaires de l'État (art. 22) ; - arrêté du 31 juillet 2009 relatif au bilan de compétences des agents de l'État ; - arrêté du 31 juillet 2009 relatif à l'évaluation de la période de professionnalisation pour les agents de la fonction publique de l'État.
Dans la fonction publique territoriale : - décret n° 2007-1845 du 26 décembre 2007 relatif à la formation professionnelle tout au long de la vie des agents de la FPT (art. 18 à 26)
Dans la fonction publique hospitalière : - décret n° 2008-824 du 21 août 2008 relatif à la formation professionnelle tout au long de la vie des agents de la fonction publique hospitalière (art. 25 à 27).
[1] Décret n° 2007-1470 du 15 octobre 2007 relatif à la formation professionnelle tout au long de la vie des fonctionnaires de l'État ; Décret n° 2008-824 du 21 août 2008 relatif à la formation professionnelle tout au long de la vie des agents de la fonction publique hospitalière ; Décret n° 2007-1845 du 26 décembre 2007 relatif à la formation professionnelle tout au long de la vie des agents de la fonction publique territoriale.
[2] Circulaire de la DGAFP du 9 juin 2008 : entretien et bilan de carrière.
[3] Le statut de la fonction publique (cf. loi n° 83- 634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, loi dite loi Le Pors) précise que les cadres d'emplois dans la FP sont répartis en catégories hiérarchiques, désignées, en ordre décroissant, par les lettres A, B, C :
A : fonctions de direction et de conception (niveau Bac+3) ;
B : fonctions d'application/de maîtrise (niveau Bac ou Bac+2) ;
C : fonctions d'exécution (sans condition de diplôme ou BEP, BEPC, CAP).
[4] Après recrutement - en principe par concours - l'agent est placé en période de stage et à l'issue de ce dernier il devient fonctionnaire et est « titularisé ». Celui qui n'est pas recruté par concours est appelé « non-titulaire » (ex. contractuel).
[5] articles R.6322 à 6337 du Code du travail.
[6] Ce sont toutes les circonstances qui peuvent conduire l'administration à prendre certaines mesures limitant les droits des fonctionnaires ; surcharges de travail pendant les périodes estivales ou à certaines saisons (déneigement...).
[7] Voir convention-type fixée par l'arrêté du 31 juillet 2009 relatif au bilan de compétences des agents de l'État.
[8] Arrêté du 31 juillet 2009.
[9] Circulaire de la DGAFP du 9 juin 2008 : entretien et bilan de carrière. [10] Source : infos.emploipublic.fr février 2011.