Jusqu'au 1er septembre dernier , les jeunes de moins de 25 ans n'avaient pas droit au revenu de solidarité active (RSA). Mais face au chômage des jeunes toujours particulièrement élevé (614 000 jeunes étaient inscrits à Pôle Emploi en août 2010) et au taux important de jeunes sous le seuil de pauvreté (en 2008, 10,3 % des moins de 30 ans étaient considérés comme pauvres), il a été décidé, dans le cadre d'un plan d'urgence en faveur de la jeunesse , d'étendre le bénéfice du RSA au moins de 25 ans .Près de 9 mois après sa mise en place, force est de constater que la portée du dispositif monte en charge très progressivement (8 130 bénéficiaires fin janvier 2011 ) en raison sans doute... des conditions d'octroi draconiennes. Le RSA jeunes n'est pas une extension généralisée du RSA aux moins de 25 ans, mais un élargissement sous conditions : le jeune doit notamment avoir déjà travaillé deux années à temps plein ou à temps partiel. En mars 2011, 78 % des bénéficiaires étaient en activité et percevaient en moyenne 130 ¤ en plus de leur salaire. Face aux chiffres du dispositif loin des premières estimations (8 130 bénéficiaires début 2011 alors que 160 000 étaient attendus), le gouvernement envisage d'assouplir le dispositif et table plutôt sur un versement de la prestation à 15 000 jeunes par an.
Le RSA « jeunes », une mesure d'équité
Pour rappel[1], le RSA remplace le Revenu minimum d'insertion (RMI)[2] et l'Allocation de parent isolé (API)[3] depuis le 1er juin 2009[4]. Objectif du RSA : encourager la reprise ou l'accroissement d'une activité professionnelle. Avant le RSA, les travailleurs à bas salaire revenant dans l'emploi, perdaient une partie de leurs aides sociales. Le RSA corrige cet effet pervers en fournissant un complément de revenu à ces personnes, afin que la reprise d'un travail soit incitative financièrement. En janvier 2011, 1 840 000 foyers étaient allocataires du RSA. Le RSA se présente sous la forme d'une allocation qui assure un revenu minimum (RSA « socle ») mais qui constitue aussi un complément à un petit salaire (RSA « activité »). Plus les allocataires travaillent (jusque dans la limite de 1,04 SMIC pour une personne seule et 1,4 SMIC pour un couple sans enfant), moins leur complément d'allocation est élevé. Pour ceux qui ne travaillent pas, le montant du revenu (RSA « socle ») ne bouge pas. Avant le 1er septembre 2010, les jeunes travailleurs de moins de 25 ans ne pouvaient pas bénéficier du RSA. Cette situation étant injuste, l'âge ne devant pas être un facteur de discrimination, le gouvernement a décidé d'y mettre fin en créant le RSA jeunes. Par dérogation aux principes du financement partagé du RSA entre les départements et l'État, cette extension du champ d'application du RSA doit être intégralement prise en charge par l'État jusqu'à la fin de l'année, à partir du produit de la taxe de 1,1 % sur les revenus du capital.
Cependant, contrairement aux débats qui ont longtemps entouré le RMI et la préparation du RSA, il ne s'agit pas d'une extension généralisée aux moins de 25 ans, mais d'un élargissement sous conditions, de portée relativement limitée.
En effet, comme pour le RSA généralisé, deux cibles sont visées auprès des jeunes de 18 à 25 ans. Ceux qui :
- exercent ou reprennent une activité professionnelle et disposent de faibles ressources : le RSA va leur apporter un complément de revenus ;
- sont momentanément sans activité et ont épuisé leurs droits à l'assurance chômage. Outre le soutien financier que va leur apporter le RSA « socle », ils vont bénéficier d'un accompagnement personnalisé dans leurs démarches d'insertion.
Toutefois, à la différence avec le RSA généralisé, les jeunes actifs de moins de 25 ans doivent remplir une condition d'activité préalable pour bénéficier du RSA : ils doivent avoir travaillé l'équivalent de 2 ans à temps plein durant les 3 années qui précèdent la demande, soit 3 214 heures.
Pour toucher le RSA jeunes : des conditions générales et particulières rigoureuses
Les conditions d'éligibilité au RSA jeunes sont les mêmes que pour le RSA généralisé hormis la condition d'activité.
Côté conditions générales :
Les conditions d'accès sont notamment les suivantes :
- être de nationalité française ;
- si la personne est étrangère, elle doit être titulaire depuis au moins 5 ans d'un titre de séjour autorisant à travailler, ou être ressortissant de l'EEE (Espace économique européen) et justifier d'un droit au séjour ;
- résider en France métropolitaine ;
- ne pas être, ni en congé sabbatique ou sans solde, ni élève, étudiant ou stagiaire (sauf cas particuliers : ex. stagiaires de la formation professionnelle continue ou en enseignement alterné ou professionnel, étudiants en emploi) ;
- répondre à des conditions de ressources.
Toutes les ressources perçues sur les 3 mois précédant la demande sont prises en compte[5], les salaires mais aussi, par exemple :
- les revenus d'activité non salariée, des stages de formation professionnelle ;
- les indemnités de chômage (indemnités d'aide au retour à l'emploi - ARE), journalières de maladie, d'accident du travail, de maternité, paternité et adoption ;
- l'allocation de solidarité spécifique (ASS) et adulte handicapé (AAH) ;
- les pensions de retraite et les rentes (y compris les pensions de réversion) ;
- les revenus de placement ou d'épargne (intérêts de placement sur un livret d'épargne, d'assurance vie, de plan d'épargne en action (PEA...)) ;
- les pensions alimentaires ;
- les revenus tirés de biens immobiliers ;
- les avantages en nature (logement...) ;
- certaines prestations familiales.
Côté conditions particulières liées à l'activité : Pour justifier avoir travaillé l'équivalent de 2 ans à temps plein durant les 3 années qui précèdent sa demande (avec prolongation possible dans la limite de 6 mois pour le jeune qui a connu des périodes de chômage indemnisé), il doit obligatoirement présenter lors de l'établissement de la demande : contrats de travail (CDD, CDI, intérim), d'apprentissage, attestation de l'employeur ou bulletins de salaires, documents comptables ou fiscaux s'agissant des activités non salariées - ce qui, reconnaît la ministre des Solidarités, Roselyne Bachelot, complique aujourd'hui le montage du dossier et retarde souvent le 1er versement.
Des modalités particulières sont par ailleurs, prévues pour les moins de 25 ans relevant du :
- régime social des indépendants (artisans, commerçants et professions libérales) : ils doivent justifier, d'une part, d'une activité déclarée au centre de formalité des entreprises par exemple et d'un niveau de chiffre d'affaires (ou équivalent) au moins égal à 43 fois le montant forfaitaire mensuel du RSA pour une personne seule ;
- régime agricole (inscription à ce régime à prouver et bénéfice agricole au moins égal à dix fois le montant forfaitaire mensuel du RSA pour une personne seule).
Enfin, lorsque la durée de l'exercice d'activité sur la période de référence est inférieure aux deux années exigées, ces activités professionnelles sont prises en compte « au prorata de la durée de travail effectivement réalisée dans chacun de ces régimes ».
Calcul et modalités de versement du RSA jeunes identiques à son aîné
Le RSA jeunes ayant le même objectif que le RSA généralisé : permettre de faire face à des moments difficiles dans un parcours, les conditions de calcul et les modalités de versement du RSA jeunes sont donc similaires.
Côté montant : versé en tant que revenu minimum mensuel, le RSA est calculé selon la formule mathématique suivante : RSA = Revenu garanti (montant forfaitaire + 62 % des revenus d'activité du foyer) - (ressources du foyer + forfait d'aide au logement) Le « montant forfaitaire du RSA » varie selon la composition du foyer : soit par exemple, 466,99 ¤ pour une personne seule ou 700,49 ¤ pour un couple sans enfant (cf. tableau ci-joint). Le « Forfait d'aide au logement » est une réduction qui peut être appliquée au RSA si le foyer est propriétaire de son logement ou encore, l'occupe gratuitement ou bénéficie d'une aide (l'allocation de logement familiale, l'allocation de logement sociale, l'aide personnalisée au logement). À titre indicatif, ce montant est, en 2011, de 56,04 ¤ pour une personne seule et de 112,08 ¤ pour un couple.
Non rétroactif, le droit au RSA jeunes est accordé à partir de la date de dépôt de la demande, mais n'est pas limité dans le temps. Il continue d'être attribué tant que les ressources prises en compte ne dépassent pas le « Revenu garanti ». Il fait l'objet d'un réexamen tous les 3 mois en fonction des revenus et de la situation familiale et professionnelle de l'allocataire. Enfin, le RSA jeunes n'est pas imposable (toutefois le montant du RSA perçu est communiqué aux services des impôts pour le calcul de la Prime pour l'emploi).
Mais le RSA jeunes, ce n'est pas seulement une aide financière...
Avec le RSA, peuvent s'ajouter un certains nombre d'avantages divers dénommés « droits connexes » : bénéfice de la couverture maladie universelle, réduction sociale téléphonique, prime pour Noël... mais aussi des aides sociales locales à caractère individuel, en espèces, en nature ou avantages tarifaires.
Enfin et surtout, le RSA jeunes ne se limite pas à une aide financière. Comme pour les plus de 25 ans, le droit à prestation s'articule avec l'obligation d'insertion. Chaque bénéficiaire a droit à un accompagnement social et professionnel adapté à sa situation et organisé par un référent unique, le tout formalisé par la conclusion d'un contrat. Le référent relève soit de Pôle Emploi, soit d'une mission locale, soit d'un autre organisme désigné par le conseil général en charge du RSA. Il est à disposition du bénéficiaire pour lui apporter conseils et soutien dans la construction de son projet professionnel et de ses démarches de recherche d'emploi (sans obligation pour le jeune d'être inscrit à Pôle Emploi).
Son lancement ? Un échec cuisant... Des ajustements à envisager rapidement
Lors de sa mise en place, le RSA généralisé avait souffert de quelques « couacs ». Pour éviter de refaire la même erreur le gouvernement avait, selon Marc-Philippe Daubresse, ministre de la Jeunesse et des Solidarités actives à l'époque, « réglé les problèmes », et fait une campagne de communication qui se voulait « ciblée » : spots sur les radios (Skyrock, Fun Radio, NRJ et Virgin Radio), pubs présentes sur les sites Internet les plus visités par les jeunes (Deezer, Facebook, Spotify, MSN, Allociné...).
Pourtant, force est de constater que l'extension du RSA a également loupé son lancement. Alors qu'elle doit bénéficier à 160 000 jeunes, seuls 8 130 foyers étaient éligibles au RSA jeunes en janvier 2011. La ministre des Solidarités a reconnu des « difficultés dans la mise en place de cette nouvelle allocation »[6] mais certaines associations et syndicats, comme le président (CFTC) de la Caisse nationale des allocations familiales (CNAF), dénonce « des conditions drastiques d'éligibilité »[7].
Quelles solutions envisager ? Assouplir le RSA jeunes pour permettre à plus de jeunes d'en bénéficier ? Roselyne Bachelot y réfléchit et se donne jusqu'au mois de juin prochain pour rendre plus souple le dispositif. Selon Les Échos, une première piste serait de « permettre à un jeune remplissant les conditions d'activité de deux ans dans les trois dernières années de toucher le RSA en cas de chômage à l'épuisement de ses droits à indemnisation ». La deuxième serait de « comptabiliser comme activité les périodes de formation des jeunes apprentis et ceux en contrat de professionnalisation ». Et, une troisième serait pourquoi pas, « d'assouplir la période de référence pour ouvrir des droits, de trois à quatre ans. » Par ailleurs, la priorité doit être mise sur l'emploi des jeunes. Dans ce cadre, début avril, une mission a été confiée à Marc-Philippe Daubresse afin qu'il formule des propositions en vue notamment, de consolider le volet insertion du RSA.
Il n'empêche qu'aujourd'hui, alors qu'il est censé sortir les jeunes de la précarité, le RSA jeunes apparaît davantage comme un dispositif précaire. Pourtant il y a urgence : au deuxième trimestre 2010, selon les chiffres de l'Insee, 632 000 jeunes âgés de 15 à 24 ans étaient à la recherche d'un emploi, soit un taux de chômage de 23,3 % (contre 17,7 % dans les pays développés). Et ce chômage touche particulièrement les jeunes pas ou peu diplômés. À cet égard et à titre expérimental, le gouvernement souhaitant « faire confiance aux jeunes en améliorant les moyens de leur autonomie », a mis en place depuis le 1er avril 2011[8] le RCA (revenu contractualisé d'autonomie). Aide mensuelle de 250 euros, formalisée par un contrat conclu sur une durée variable en fonction de la qualification du jeune (de 2 ans pour les jeunes peu qualifiés ou sur une durée d'1 an pour les jeunes titulaires au minimum d'une licence), elle doit aider ces jeunes et chômeurs à trouver un travail. En contrepartie de cette aide, il faut « s'engager soit à rechercher activement un emploi, soit à suivre une formation ». L'essai a débuté sur 5 000 personnes âgées de 18 à 22 ans ayant le Bac ou moins. À l'issue de cette expérimentation l'aide pourrait être généralisée. Cependant, ces mesures à venir permettront-elles, au final, d'éviter à la France, d'avoir comme le pense l'OCDE[9], une « génération sacrifiée » ?
Montant du RSA au 1er janvier 2011 Vous vivez... seul (e) en couple Nombre d'enfants Tous vos enfants ont plus de 3 ans Le dernier enfant a moins de 3 ans
0 466,99 ¤ 599,97 ¤ pour une femme seule enceinte de son premier enfant 700,49 ¤ 1 700,49 ¤ 799,56 ¤ 840,59 ¤ 2 840,59 ¤ 999,45 ¤ 980,69 ¤ Par enfant supplémentaire 186,79 ¤ 199,89 ¤ 186,79 ¤ Montant du SMIC au 1er janvier 2011 Type de montant Montant SMIC horaire brut 9,00 ¤ SMIC mensuel* brut 1 365,00 ¤ SMIC mensuel* net 1 070,76 ¤ * base 35 heures/semaine
Pour aller plus loin :
Loi n° 2009-1673 du 30 décembre 2009 de finances pour 2010 - article 135. Décret n° 2010-961 du 25 août 2010 relatif à l'extension du revenu de solidarité active aux jeunes de moins de vingt-cinq ans (JO du 26 août 2010). Code de l'action sociale et des familles, art. D. 262-25-1. et suivants. http://www.service-public.fr www.rsa.gouv.fr
[1] Le RSA...Un an après..., Carrières publiques, juillet 2010.
[2] Allocation créée en 1988 pour assurer un revenu mensuel minimal (environ 460 ¤ pour une personne seule au 1er janvier 2009) aux plus de 25 ans n'ayant aucune ou peu de ressources. Par loi no 2003-1200 du 18 décembre 2003, le Gouvernement a décentralisé le RMI et créé le Revenu minimum d'activité (RMA) destiné à faciliter la réinsertion professionnelle des bénéficiaires du RMI.
[3] Prestation sociale créée dans les années 1970 visant à aider certaines familles monoparentales aux ressources financières modestes.
[4] Loi n° 2008-1249 du 1er décembre 2008 généralisant le revenu de solidarité active et réformant les politiques d'insertion - Code de l'action sociale et des familles, livre II, titre VI, chapitre II : Revenu de solidarité active
[5] Par exemple, pour une demande faite en juin 2011, il faut déclarer les ressources perçues en mars, avril et mai 2011.
[6]« RSA jeunes : Roselyne BACHELOT se donne six mois pour ajuster le dispositif », Les Échos, 21 décembre 2010.
[7] Question écrite n° 16864 de Mme Gisèle Printz, publiée dans le JO Sénat du 20/01/2011 - page 139.
[8] Décret n° 2011-128 du 31 janvier 2011 relatif à l'expérimentation d'un revenu contractualisé d'autonomie.
[9] Rapport « Des emplois pour les jeunes » de l'Organisation de coopération et de développement économiques, 2009.
Sandrine BOTTEAU