Du 4 au 7 juin 2009, 375 millions d'Européens éliront leurs 736 députés qui siègeront au Parlement européen situé à Strasbourg. Les citoyens français sont appelés à désigner 72 députés européens. Mais pour saisir les enjeux d'une élection qui peine à mobiliser les électeurs, encore faut-il comprendre le mécanisme de fonctionnement du Parlement européen.
L'Union européenne est une organisation intergouvernementale d'une nature particulière.
Elle bénéficie d'un cadre institutionnel renforcé, qui assure la cohérence et la continuité des actions menées. À côté des instances de décision Conseil européen, Conseil des ministres, Commission - et des instances juridictionnelles - Tribunal de première instance et Cour de justice des Communautés européennes - les instances communautaires sont dotées d'un organe parlementaire, le Parlement européen. Il incarne la dimension démocratique de l'Union européenne et est composé, selon l'article 189 du Traité instituant la communauté européenne de 1957, de « représentants des peuples des États réunis dans la communauté ».
Le Parlement européen n'est pas assimilable à un parlement national : à l'inverse de ces derniers, il ne possède pas de pouvoir général de lever de l'impôt, de voter la loi et de contrôler l'exécutif.
Toutefois, ses prérogatives ont connu une extension continue depuis sa création, traduisant l'approfondissement de l'intégration européenne.
Les enjeux de l'élection des membres du Parlement européen ne s'apprécient qu'au regard des prérogatives que détiennent les députés européens.
Les prérogatives de nos futurs députés européens
Le Parlement européen, dans sa configuration actuelle, dispose de pouvoirs étendus dans le processus de décision communautaire.
Il intervient en matière budgétaire, possède un pouvoir de contrôle politique sur les autres institutions et exerce un rôle mineur dans le cadre de la Politique étrangère et de sécurité commune (PESC) ainsi que dans le domaine de la coopération policière et judiciaire en matière pénale[1].
En premier lieu, le processus décisionnel communautaire est marqué par l'intervention croissante du Parlement européen .
Alors qu'il n'était à l'origine qu'un organe consultatif formulant des avis à l'intention du Conseil et de la Commission, il s'est vu octroyer de larges pouvoirs de décision lors des différentes réformes du fonctionnement des instances communautaires.
Le Parlement est associé à la prise de décision communautaire par le biais de quatre procédures distinctes, qui diffèrent par les pouvoirs qu'elles confèrent au Parlement : l'avis simple[2], l'avis conforme[3], la procédure de coopération[4] et celle de codécision[5].
La juxtaposition de quatre procédures s'explique par la réticence des États envers l'attribution d'une véritable compétence législative au Parlement : cela supposerait l'abandon du pouvoir de décision à un organe qui n'est pas composé de représentants des États mais de députés élus dans les différents États membres.
En deuxième lieu, le Parlement européen adopte le budget, conjointement avec le Conseil des ministres.
Ces deux institutions constituent « l'autorité budgétaire » de l'Union européenne.
Le montant des recettes est limité par un accord entre les États membres et les parlements nationaux tandis que le montant des dépenses est défini par un accord interinstitutionnel.
Il convient de distinguer les dépenses « obligatoires », pour lesquelles le Conseil des ministres a le dernier mot, des dépenses « non obligatoires », pour lesquelles le Parlement européen détient un véritable pouvoir de décision.
Comme pour les processus décisionnels, le maintien d'une distinction entre les dépenses obligatoires et celles ne l'étant pas marque la défiance des États envers une institution totalement autonome.
En troisième lieu, le Parlement européen détient un véritable pouvoir de contrôle politique sur les autres institutions communautaires.
Il contrôle l'activité des organes exécutifs de l'Union par le biais d'un droit de questionnement pouvant donner lieu à l'adoption de résolutions.
Il intervient dans la procédure de désignation des membres de la Commission[6], laquelle est tenue de lui transmettre chaque année un rapport d'activité.
Il peut mettre fin à tout moment aux fonctions de la Commission en adoptant une motion de censure.
Il est également habilité à recevoir les pétitions, individuelles ou collectives, de citoyens européens.
Celles-ci doivent concerner des questions relevant des domaines de compétences de l'Union européenne ; elles peuvent prendre la forme de demandes, d'observations ou encore de plaintes.
Les députés désignent également un médiateur européen pour la durée de la législature.
Il est chargé d'enquêter sur les plaintes des citoyens européens relatives aux cas de mauvaise administration de la part des institutions et organes communautaires.
Enfin, le Parlement peut créer des commissions temporaires d'enquête en cas d'infraction ou de mauvaise administration, dès lors qu'aucune juridiction n'est saisie des faits.
Nos futurs députés sont donc dotés d'un panel de pouvoirs très larges, allant de la nomination des membres de la Commission à la prise de décision conjointe avec le Conseil des ministres en passant par l'approbation d'une partie du budget.
Il est donc important que la désignation de ses membres soit faite par le biais d'une élection.
Les enjeux de l'élection des membres du Parlement européen
À l'origine de la construction européenne, le « Parlement européen » était conçu comme une assemblée consultative, appelée Assemblée commune de la Communauté européenne du charbon et de l'acier (CECA).
Elle était constituée de parlementaires nationaux désignés par les États selon une procédure fixée par eux[7].
L'idée d'intégration au sein d'une institution européenne n'a véritablement pris son essor qu'à compter de 1976 et de l'adoption d'un acte du Conseil instaurant le suffrage universel pour la désignation des membres de ce qu'il était convenu d'appeler désormais un « Parlement ».
Elle a été approfondie par le Traité de Maastricht de 1992, permettant à tout ressortissant des États membres de l'Union résidant dans un État autre que celui dont ils ont la nationalité de voter ou d'être éligible dans leur pays de résidence.
Le Traité instituant la Communauté européenne a laissé ouverte la possibilité d'adopter une procédure électorale uniforme pour l'élection de parlementaires européens.
Cependant, en l'absence d'un accord entre les différents États, la procédure est laissée pour une large part à la discrétion de chaque État, les instances communautaires ayant cependant prévu un socle commun.
Au titre des règles communes, figure l'obligation du suffrage universel, dans le cadre d'une élection au scrutin proportionnel de liste, pour un mandat de cinq ans renouvelable.
Le mandat d'un député européen est incompatible avec toute autre fonction dans les institutions ou organes communautaires.
La qualité de membre du Parlement européen est également incompatible avec celle de membre d'un parlement national.
Dans ce cadre commun, la France a opté pour un découpage électoral en huit circonscriptions (Nord-Ouest ; Ouest ; Est ; Sud-Est ; Sud-Ouest ; Loire, Massif Central ; Ile-de-France ; Outre Mer).
Dans le cadre du scrutin à la proportionnelle, les listes sont bloquées et la répartition des restes est faite à la plus forte moyenne entre les listes ayant obtenu au moins 5 % des voix.
Tout citoyen français ou européen résidant en France et ayant plus de 18 ans peut voter ; sont éligibles les citoyens de l'Union ayant plus de 23 ans.
L'approfondissement de l'intégration européenne a provoqué l'émergence d'une institution détachée des États membres de l'Union. Progressivement, le Parlement européen est doté de prérogatives de plus en plus importantes, conduisant à l'assimilation des États membres à un grand ensemble européen.
Pour renforcer cette intégration, une prochaine étape pourrait être la disparition des circonscriptions nationales au profit d'un découpage à l'échelon européen favorisant l'émergence de véritables « députés de l'Union européenne », à l'image des « députés de la Nation » en France.
Sébastien Martin
[1] Il s'agit principalement d'un pouvoir de consultation sur des questions diverses.
[2] Le Parlement doit être consulté par le Conseil des ministres, mais n'est en aucun cas tenu de respecter les termes de l'avis (par exemple dans le cadre d'une procédure de révision des traités - article 48 T Union européenne).
[3] La consultation est non seulement obligatoire, mais l'avis du Parlement lie le Conseil des ministres. Le Parlement dispose alors d'un véritable droit de veto (par exemple lorsqu'une demande d'adhésion d'un nouvel État est déposée, le Parlement émet un avis conforme - article 49 T Union européenne).
[4] La procédure de codécision permet au Parlement d'intervenir dans le processus décisionnel. Toutefois, le Conseil des ministres garde le pouvoir de décider seul, en désaccord avec le Parlement. Dans ce cas, il doit adopter le texte à l'unanimité (article 252 T Communauté européenne). Le mécanisme de la coopération est aujourd'hui résiduel et ne concerne plus que quelques décisions adoptées dans le cadre de la politique économique et monétaire.
[5] Dans la procédure de codécision, les textes communautaires doivent être adoptés dans des termes identiques par le Conseil des ministres et le Parlement européen. En cas de désaccord persistant entre les deux institutions, le Parlement a le pouvoir de rejeter le texte (article 251 T Communauté européenne).
[6] Approbation de la personnalité envisagée comme président ainsi que de la composition finale de la Commission.
[7] Robert Schuman, considéré comme l'un des « pères » de l'Union européenne, présida l'Assemblée de 1958 à 1960.
[1] Il s'agit principalement d'un pouvoir de consultation sur des questions diverses.
[2] Le Parlement doit être consulté par le Conseil des ministres, mais n'est en aucun cas tenu de respecter les termes de l'avis (par exemple dans le cadre d'une procédure de révision des traités - article 48 T Union européenne).
[3] La consultation est non seulement obligatoire, mais l'avis du Parlement lie le Conseil des ministres. Le Parlement dispose alors d'un véritable droit de veto (par exemple lorsqu'une demande d'adhésion d'un nouvel État est déposée, le Parlement émet un avis conforme - article 49 T Union européenne).
[4] La procédure de codécision permet au Parlement d'intervenir dans le processus décisionnel. Toutefois, le Conseil des ministres garde le pouvoir de décider seul, en désaccord avec le Parlement. Dans ce cas, il doit adopter le texte à l'unanimité (article 252 T Communauté européenne). Le mécanisme de la coopération est aujourd'hui résiduel et ne concerne plus que quelques décisions adoptées dans le cadre de la politique économique et monétaire.
[5] Dans la procédure de codécision, les textes communautaires doivent être adoptés dans des termes identiques par le Conseil des ministres et le Parlement européen. En cas de désaccord persistant entre les deux institutions, le Parlement a le pouvoir de rejeter le texte (article 251 T Communauté européenne).
[6] Approbation de la personnalité envisagée comme président ainsi que de la composition finale de la Commission.
[7] Robert Schuman, considéré comme l'un des « pères » de l'Union européenne, présida l'Assemblée de 1958 à 1960.
Pour en savoir plus sur les élections au Parlement européen :
- http://www.europarl.europa.eu (site du Parlement européen). - http://www.europarl.europa.eu/elections2009/default.htm?language=FR (site du Parlement européen consacré aux élections de 2009). - http://www.elections-europeennes.org (site de la Fondation Schuman consacré aux élections européennes). - http://www.ena.lu (site de l'European NAvigator (ENA), banque de connaissances multilingue, multisource et multimédia sur l'Union et son histoire). - http://europa.eu/index_fr.htm (portail de l'Union européenne). - http://www.touteleurope.fr (portail français d'information sur les questions européennes). - http://www.eu2009.cz/fr/default.htm (site de la présidence tchèque de l'Union européenne). - http://www.robert-schuman.eu/question_europe.php?num=qe-136 (comparatif des systèmes électoraux des différents États membres).