Devant les cours d'assises, présentes dans chaque département, les citoyens peuvent être appelés à jouer un rôle bien particulier, institué pendant la Révolution de 1789, sous l'influence des idées des philosophes du XVIIIe.
De simples citoyens sont susceptibles de participer, de façon responsable, à l'élaboration d'un « jugement ». Si, le juré est généralement déclaré incompétent au regard du droit, cette non-compétence est souhaitée par le législateur pour équilibrer la science juridique des juges professionnels. Son rôle revêt toute son importance : il apporte aux assises une certaine qualité de jugement et son expérience de la vie en société. Ainsi, il est demandé à chaque juré de satisfaire certaines exigences particulières, notamment celles exprimées à l'article 304 du Code de procédure pénale. Le président adresse aux jurés, debout et découverts, le discours suivant : « Vous jurez et promettez d'examiner avec l'attention la plus scrupuleuse les charges qui seront portées contre X..., de ne trahir ni les intérêts de l'accusé, ni ceux de la société qui l'accuse, ni ceux de la victime ; de ne communiquer avec personne jusqu'après votre déclaration ; de n'écouter ni la haine ou la méchanceté, ni la crainte ou l'affection ; de vous rappeler que l'accusé est présumé innocent et que le doute doit lui profiter ; de vous décider d'après les charges et les moyens de défense, suivant votre conscience et votre intime conviction, avec l'impartialité et la fermeté qui conviennent à un homme probe et libre, et de conserver le secret des délibérations, même après la cessation de vos fonctions". Chacun des jurés, appelé individuellement par le président, répond en levant la main : "Je le jure".
Conditions d'aptitudes aux fonctions de jurés
Au cours de chaque session, neufs jurés sont amenés à juger des crimes, infractions les plus graves telles que les viols, meurtres, homicides ou vols à mains armées... L'article 255 du Code de procédure pénale fixe les conditions d'aptitudes aux fonctions de jurés. Peuvent seuls remplir les fonctions de juré, les citoyens de l'un ou de l'autre sexe, âgés de plus de vingt-trois ans, sachant lire et écrire en français, jouissant des droits politiques, civils et de famille, et ne se trouvant dans aucun cas d'incapacité ou d'incompatibilité légales. Ainsi, toute personne de nationalité française inscrite sur les listes électorales est susceptible d'être désignée de manière fortuite comme juré. Ne peuvent figurer sur les listes les personnes ayant déjà fait l'objet d'une peine de prison supérieure à 6 mois pour crime ou délit. Sont également exclus les officiers ministériels destitués de leurs fonctions, les fonctionnaires et agents de l'État, des départements et communes révoqués de leur fonction, les personnes placées sous tutelle ou curatelle, ainsi que les personnes placées dans des établissements psychiatriques[1].
Modalités de désignation
Les jurés sont tirés au sort selon une procédure en trois étapes. Chaque année, le maire d'une commune établit une liste préparatoire à partir de la liste électorale. Puis une liste annuelle des jurés est établie dans le ressort de chaque Cour d'assises par un second tirage au sort effectué à partir de la liste préparatoire. Trente jours au moins avant l'ouverture de la session de la Cour d'assises, le premier président de la Cour d'appel ou le président du tribunal de grande instance dans lequel va siéger la Cour d'assises désigne les jurés. Après avoir exclu les jurés qui ne remplissent pas les conditions légales, 40 jurés titulaires pour la liste de session sont tirés au sort, ainsi que 12 suppléants sur une liste annexe. Enfin, lors de l'ouverture de la session d'assises, le président de la Cour d'assises désigne les jurés par un nouveau tirage au sort ; lorsque le nom sorti de l'urne n'est pas récusé, il devient juré titulaire. Le jury est composé de 9 jurés lorsque la Cour d'assises statue en premier ressort et de 12 jurés lorsqu'elle statue en appel.
Des cas exceptionnels de dispense
On ne peut refuser d'être juré ; en cas d'absence le jour de l'audience sans motif légitime, une amende d'un montant de 3 750 euros est encourue. Néanmoins, des cas exceptionnels de dispense existent. Dès lors que vous répondez à ces conditions, il est impossible d'échapper à ce devoir civique. Ainsi, les personnes de plus de 70 ans, qui ne résident pas dans le siège où réside la Cour d'assises, celles qui ont déjà été jurés dans le même département au cours des cinq dernières années ou encore celles qui justifient d'un motif sérieux (maladie, impératifs professionnels ou familiaux, etc.) peuvent demander une dispense. Une demande de dispense devra alors être adressée, avec justificatif(s), auprès du président de la Cour d'assises dès la réception de la notification ou avant l'ouverture de la session d'assises.
Droits et devoirs des jurés
Les jurés sont astreints à plusieurs obligations et bénéficient de certains droits. On leur impose un devoir d'attention lors des débats, tant à ceux qui font état de charges contre l'accusé qu'à ceux qui lui sont favorables. Si l'inattention d'un juré est évidente, il pourra être remplacé. Ils sont soumis au respect d'un devoir d'impartialité et l'interdiction de manifester son opinion. À cet égard, la présomption d'innocence, principe fondamental de la justice pénale, doit être particulièrement observée. Les jurés doivent donc rester impartiaux et ne manifester aucune opinion. La communication d'information de l'affaire en cours avec d'autres personnes est interdite. Les jurés s'engagent à ne pas parler de l'affaire avec d'autres personnes que les autres jurés et les magistrats de la cour. Ils ne peuvent pas parler avec les parties au procès ou à des journalistes. Enfin, le secret des délibérations doit gouverner tout le procès : il est la garantie d'une totale liberté d'expression des jurés au cours du délibéré et les met à l'abri de toute pression. Sa violation constitue un délit puni d'une peine de prison et d'une amende. Le secret doit être maintenu même après la décision définitive. Quant aux droits des jurés, ces derniers peuvent poser toutes les questions qu'ils veulent, tant à l'accusé, qu'aux témoins ou aux experts par l'intermédiaire du président. Ils ont un droit à l'information, notamment sur leurs devoirs et leurs droits. Enfin, ils sont libres de prendre des notes en cours d'audience.
L'indemnisation des jurés
Aucune disposition particulière ne réglemente les conséquences que la désignation d'un salarié, en qualité de juré dans un jury d'assises, produit sur son contrat de travail. Les principes généraux sont applicables lorsque la suspension du contrat de travail n'est pas régie par des textes particuliers. On peut toutefois penser que, compte tenu de l'obligation faite au juré régulièrement désigné de déférer "sauf motif légitime" à la convocation qui lui est notifiée sous peine de s'exposer à une amende, l'employeur ne pourra pas lui refuser l'autorisation sollicitée pour siéger à la cour d'assises. Un refus de sa part serait éventuellement considéré comme une entrave à la justice. Ces absences ne constituent pas une cause réelle et sérieuse de licenciement. Si l'employeur n'est pas tenu de rémunérer le temps d'absence, il devra délivrer au juré une attestation d'emploi pour lui permettre de bénéficier de l'indemnité journalière forfaitaire spécialement prévue pour les jurés d'assises. Une indemnité supplémentaire est également envisageable si le juré justifie une perte de salaire. Le juré est susceptible de percevoir 4 sortes d'indemnités : une indemnité journalière de session, une indemnité journalière de séjour, une indemnité de déplacement, une indemnité pour perte de revenu journalière. Ces indemnités ne sont pas versées d'office et doivent être réclamées au greffe du tribunal de la Cour d'assises. La demande doit évidemment être accompagnée de justificatifs (bulletin de salaire, billet de transport, attestation de l'employeur...).
Sara Derraï
[1] Code de procédure pénale, art. 256 et 257.