La Constitution se définit comme la norme fondamentale d'un système juridique. Elle prime donc les lois et les actes administratifs. Une Constitution peut ne comporter que des règles relatives à l'organisation et au fonctionnement des pouvoirs publics entre eux. Il s'agit alors d'une Constitution dite « classique ». Elle peut également contenir un corpus de règles relatif au droit et aux libertés des individus.
La Constitution se définit comme la norme fondamentale d'un système juridique. Elle prime donc les lois et les actes administratifs. Une Constitution peut ne comporter que des règles relatives à l'organisation et au fonctionnement des pouvoirs publics entre eux. Il s'agit alors d'une Constitution dite « classique ». Elle peut également contenir un corpus de règles relatif au droit et aux libertés des individus. Elle est alors dénommée Constitution « moderne ». C'est précisément parce que la Constitution est la règle la plus haute dans la hiérarchie des normes juridiques, et parce qu'elle protège, dans son acception « moderne », les individus qu'il est apparu essentiel d'en sanctionner les violations. La justice constitutionnelle a ainsi pour mission de faire respecter la suprématie de la Constitution sur les autres règles.
L'émergence des cours constitutionnelles s'est faite de manière progressive au cours du XVIIIe siècle de sorte que deux systèmes de justice constitutionnelle ont vu le jour. Si ceux-ci se distinguent sur de nombreux points, leurs différences tendent à s'amenuiser.
L'existence de deux modèles de justice constitutionnelle
Il existe deux systèmes de contrôle de la constitutionnalité des lois : l'un est d'inspiration américaine, l'autre puise ses racines en Europe.
Le modèle américain de justice constitutionnelle
Le modèle américain de justice constitutionnelle n'était pas, à l'origine, prévu par la Constitution des États-Unis d'Amérique de 1787. Celle-ci avait seulement prévu la création d'une Cour suprême détentrice du pouvoir judiciaire. Elle n'était donc pas, à l'origine, chargée de contrôler la constitutionnalité des lois votées par le Congrès et le Sénat.
Néanmoins, cette juridiction va elle-même se reconnaître une telle prérogative dans un arrêt rendu en 1803 et devenu depuis extrêmement célèbre (Marbury v. Madison). L'origine du contrôle de constitutionnalité des lois aux États-Unis est donc prétorienne, elle est l'oeuvre du juge.
Le modèle de justice constitutionnelle américain possède quatre critères le distinguant du modèle européen. Le contrôle de la constitutionnalité des lois est diffus, il se fait par voie d'exception, les décisions rendues par les juridictions en étant chargées sont revêtues de l'autorité relative de la chose jugée et le contrôle est dit a posteriori.
Le contrôle de constitutionnalité des lois aux États-Unis est diffus. Cela signifie que toutes les juridictions sont habilitées à vérifier que la loi invoquée par les parties au procès est bien conforme à la Constitution. A contrario, cette compétence n'est pas confiée à une seule cour. Elle appartient à l'ensemble des tribunaux de l'État.
Le contrôle de constitutionnalité des lois aux États-Unis se fait par voie d'exception. Ainsi, les parties à un procès peuvent contester, devant le juge, la constitutionnalité de la loi qui leur a été appliquée. Un exemple permet de bien comprendre ce mécanisme: une employée décide d'attaquer son employeur à raison des dispositions contenues dans son contrat de travail. L'employeur peut se défendre en expliquant à la juridiction que le contrat est légal, il est conforme à la loi.
Néanmoins, par voie d'exception, l'employée pourra exciper de l'inconstitutionnalité dudit contrat. L'acte contesté est bien le contrat de travail, mais, par voie d'exception, le juge peut avoir à connaître de la constitutionnalité de la loi qui fonde la convention passée entre les deux parties. Si la loi est effectivement inconstitutionnelle, alors le contrat qui l'a appliquée l'est aussi et doit être annulé.
Les décisions rendues par le juge en matière de constitutionnalité des lois sont revêtues de l'autorité relative de la chose jugée. En d'autres termes, la décision de justice constatant l'inconstitutionnalité d'une loi ne vaut que pour les seules parties au procès. La loi déclarée inconstitutionnelle ne leur est plus applicable. Mais elle n'est pas annulée pour autant. Elle continue à rester en vigueur jusqu'à ce que le législateur y mette fin.
Ce procédé possède un inconvénient majeur: une loi pourra être déclarée inconstitutionnelle par un juge dans une affaire, quand un autre l'estimera conforme à la Constitution. Il peut en résulter une certaine inégalité entre les parties.
Dans le modèle américain, le contrôle de constitutionnalité est dit a posteriori. En effet, ce contrôle intervient une fois la loi promulguée et entrée en vigueur. Une loi inconstitutionnelle doit, tant qu'elle n'a pas été écartée par un juge, être appliquée. Ceci constitue un inconvénient majeur du système de justice constitutionnelle américain.
Le modèle européen de justice constitutionnelle
La naissance de la justice constitutionnelle européenne est sensiblement différente du contrôle de constitutionnalité américain. Alors que ce dernier possède des origines prétoriennes, le modèle européen trouve sa source dans l'oeuvre doctrinale d'un professeur de droit, Hans Kelsen. C'est après la Première Guerre mondiale que celui-ci évoque l'idée d'un contrôle de constitutionnalité des lois qui sera par la suite choisi par une très grande majorité d'États européens (à l'exception du Danemark ou de la Suède). Celui-ci a pour principales caractéristiques d'être concentré, par voie d'action, la décision juridictionnelle est revêtue de l'autorité absolue de la chose jugée et est rendue a priori.
Le modèle européen organise un contrôle concentré de constitutionnalité des lois. Dans cette hypothèse, il n'existe qu'une seule juridiction habilitée à mener une telle analyse. Il s'agit d'une cour créée spécialement à cette fin, disposant du monopole de contrôle de la conformité des lois à la Constitution.
Le contrôle de constitutionnalité se fait par voie d'action. Dans cette hypothèse, l'acte attaqué est la loi, et elle seule. Le contentieux a pour unique objet la constitutionnalité des dispositions législatives. Il n'y a donc pas lieu pour le juge constitutionnel d'examiner, à l'occasion d'un litige, le caractère constitutionnel de la loi.
La décision rendue par la Cour constitutionnelle est, dans le modèle européen, revêtue de l'autorité absolue de la chose jugée. Ainsi, lorsque la loi est considérée inconstitutionnelle, elle ne pourra plus jamais être appliquée. Cette prise de position vaut à l'égard de tous.
Dans le modèle européen, le contrôle de constitutionnalité se fait a priori. La Cour constitutionnelle est saisie de l'examen de constitutionnalité avant la promulgation de la loi. La loi a donc été votée, mais elle n'est donc pas encore entrée en vigueur. Ainsi, une loi qui serait inconstitutionnelle ne pourra jamais être appliquée aux individus. Cet impératif est sous-tendu par un évident souci de sécurité juridique.
Les rapprochements entre les modèles américains et européens de justice constitutionnelle
Le modèle de justice américain tend à se rapprocher du modèle européen sur au moins un point. Les décisions rendues par les tribunaux en matière de contrôle de la constitutionnalité des lois sont revêtues de l'autorité relative de la chose jugée. Ceci emporte, ainsi qu'évoqué précédemment, une instabilité juridique énorme, puisque d'un juge à l'autre, d'une affaire à l'autre, la loi sera tantôt déclarée inconstitutionnelle, tantôt déclarée constitutionnelle.
Pour remédier à cet inconvénient, les juridictions américaines se sentent tenues par « la règle du précédent ». Cela signifie que, dès lors que la Cour suprême se sera prononcée sur la constitutionnalité d'une loi, les autres juges s'aligneront sur cette prise de position, nonobstant l'autorité simplement relative s'attachant à cette décision. Ainsi, l'autorité des décisions de constitutionnalité des lois demeure, par principe, relative, sauf lorsque celles-ci émanent de la Cour suprême des États-Unis. Dans cette hypothèse, les tribunaux américains agissent comme si son jugement était revêtu de l'autorité absolue de la chose jugée. Il y a donc un rapprochement notable avec le modèle européen.
De manière similaire, le système européen emprunte au modèle américain. En effet, de manière traditionnelle, le contrôle de la constitutionnalité des lois se fait par principe a priori, avant la promulgation. Comme vu précédemment, cette modalité de contrôle a pour principal avantage d'assurer une certaine sécurité juridique puisqu'une loi inconstitutionnelle ne peut être promulguée, elle ne peut donc pas entrer en vigueur. Encore faut-il que le juge constitutionnel ait été saisi de cette loi. Or, il est de très nombreuses hypothèses dans lesquelles les autorités habilitées à solliciter ce contrôle s'en abstiennent. Dès lors, la loi entre en vigueur sans examen de constitutionnalité.
Certains États ont apporté quelques aménagements au système européen de justice constitutionnelle. Si le contrôle se fait toujours par principe a priori, il peut également se faire a posteriori. Il en est ainsi de la France. La révision constitutionnelle du 23 juillet 2008 a inséré un article 61-1 de la Constitution disposant que « Lorsque, à l'occasion d'une instance en cours devant une juridiction, il est soutenu qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés que la Constitution garantit, le Conseil constitutionnel peut être saisi de cette question sur renvoi du Conseil d'État ou de la Cour de cassation qui se prononce dans un délai déterminé ». La loi organique permettant de mettre en oeuvre cette nouvelle disposition est entrée en vigueur ce 11 décembre 2009. Ainsi, il est donc possible, alors même qu'une loi est déjà en vigueur, de demander au Conseil d'État ou à la Cour de cassation de solliciter, à l'occasion d'un litige, le Conseil constitutionnel afin que celui-ci contrôle la constitutionnalité de la loi. L'analyse de la constitutionnalité de la loi se fait alors a posteriori.
Le rapprochement de ces deux systèmes permet donc de perfectionner la justice constitutionnelle, de limiter le nombre de lois inconstitutionnelles et, ce faisant de parachever l'État de droit.
Émilie Morel