Les grands principes budgétaires ont émergé en France à partir du XIXe siècle. Ils permettent un renforcement des contrôles parlementaires sur l'activité budgétaire du gouvernement. Traditionnellement au nombre de quatre (annualité, unité, universalité et spécialité), la loi organique relative aux lois de finances (LOLF) adoptée en 2001 en a adjoint un cinquième : la sincérité. Ces fiches sont l'occasion de revenir sur chacun de ces grands principes qui structurent le droit des finances publiques. Elles doivent être lues dans la perspective de la reconnaissance d'un éventuel sixième principe : l'équilibre budgétaire (cf. fiche sur la « Règle d'or »)
Les finances publiques ont connu un « âge d'or » à partir de la période révolutionnaire et jusqu'au début du XXe siècle. Cette période a, en particulier, été marquée par l'émergence de grands principes budgétaires. Contrairement aux institutions créées par Napoléon, les principes budgétaires n'ont été formalisés qu'après Waterloo dans le cadre de la monarchie parlementaire, même si certains d'entre eux existaient déjà auparavant. Ces principes correspondent à la volonté de maîtriser les finances publiques afin d'éviter de tomber dans les erreurs du passé (Ancien Régime, Révolution et Directoire).
Le principe d'unité principe oblige à rassembler toutes les données des finances publiques dans un document unique. Ainsi les révolutionnaires ont-ils unifié le budget qui regroupait l'ensemble des informations financières de l'État et des communes et des départements. Mais les guerres napoléoniennes ont fait renaître la pratique des finances extraordinaires alimentées notamment par les conquêtes militaires. La Restauration veut par conséquent tout regrouper par souci de clarté et de transparence car la représentation nationale doit tout connaître. Le principe d'unité a donc pour fonction de faire la synthèse des finances publiques en vue de permettre au Parlement de faire son travail correctement. Pour saisir la portée de l'unité budgétaire, il faut présenter successivement le principe (I), puis les exceptions (II).
I - Le principe de l'unité budgétaire
L'article 6 de la loi organique prévoit que « le budget décrit, pour une année, l'ensemble des recettes et des dépenses budgétaires de l'État ». Il existe donc un principe d'exhaustivité ou « d'unité » du budget, qui doit retracer la totalité des opérations financières prévues et autorisées.
Deux précisions sont essentielles :
• Seules les ressources et les charges de l'État, personne morale, sont ici concernées, à l'exclusion de celles des différents démembrements de l'État ou des collectivités locales. En revanche, le budget retrace de nombreux flux entre l'État et d'autres collectivités publiques (subventions aux collectivités locales, aux organismes de Sécurité sociale, à de nombreux établissements publics) ;
• Le principe d'unité s'applique au seul périmètre des ressources et des charges qualifiées de « budgétaires de l'État », dont la liste est détaillée par les articles 3 et 5 de la LOLF. En conséquence, une partie des opérations financières exécutées par l'État ne sont donc pas des opérations budgétaires, tout en étant enregistrées dans la comptabilité générale. Il peut s'agir :
- Soit d'opérations non budgétaires se traduisant par un flux de trésorerie, dites «opérations de trésorerie»: c'est le cas des recettes d'emprunt, du remboursement du capital des emprunts (en revanche, les intérêts de la dette sont des dépenses budgétaires), ou encore des mouvements liés aux placements de trésorerie de l'État ou aux opérations des correspondants du Trésor;
- Soit d'opérations non budgétaires sans flux de trésorerie: c'est ainsi le cas des charges et produits «calculés» retracés dans la comptabilité générale de l'État (dotations et reprises sur amortissements et provisions, charges à payer, produits à recevoir, etc.).
II - Les exceptions à l'unité budgétaire
La loi de finances de l'État est en réalité tripartite. Elle se compose du budget général, des budgets annexes (BA) et des comptes spéciaux (CS). Le budget général regroupe toutes les opérations de la loi de finances qui ne bénéficient pas d'un régime juridique dérogatoire au droit commun. Les principales prévisions de recettes et de dépenses de l'État y figurent. Par ailleurs, d'autres procédures constituent des exceptions au principe de l'unité.
1/Les budgets annexes (article 18 LOLF)
Leur création s'explique par la diversification des activités de l'État, et par ses interventions croissantes dans les secteurs industriels et commerciaux. Les BA sont des budgets spéciaux, distincts du budget général et qui concernent certains services publics de l'État qui sont gérés comme des entreprises privées (gestion commerciale) : les services publics industriels et commerciaux. Ce sont donc des services de l'État, sans personnalité morale, dont l'activité tend essentiellement à produire des biens ou à rendre des services donnant lieu à paiement de redevances (article 18 LOLF). Ces opérations doivent être l'activité principale de ces services.
Les BA permettent ainsi d'accorder une autonomie financière et de gestion à des services non dotés de la personnalité morale. Il s'agit d'individualiser la gestion de ces SP commerciaux afin de faciliter leur rentabilité.
De nombreux BA existaient avant la LOLF, mais celle-ci a posé des conditions plus strictes pour leur création. Cela eut pour conséquence de restreindre leur nombre. Il n'y en a plus que deux : « Contrôle et exploitation aériens » et « Publications officielles et informations administratives ». Le premier retrace le fonctionnement et les investissements des services de contrôle aérien. Le second retrace l'activité de la direction de l'information légale et administrative (DILA). C'est une direction du Premier ministre. Issue de la fusion en 2010 de la Documentation française et de la Direction des Journaux officiels, la DILA assure la publication des lois/décrets au JO. Elle produit également de l'information publique et édite des ouvrages.
2/Les comptes spéciaux (articles 19 à 24 LOLF)
Avant la LOLF, on les appelait les comptes spéciaux du Trésor. Au départ, ils devaient retracer des mouvements de fonds provisoires. Ils sont, par définition, destinés à se clore d'eux-mêmes lorsque rentrent les fonds provisoirement sortis et sortent les fonds provisoirement rentrés. Dans la mesure où entrée et sortie s'équilibrent exactement, il n'y a pas d'atteinte à l'unité budgétaire puisqu'il n'y a pas à proprement parler de recettes et de dépenses, mais des opérations temporaires. Les gouvernements successifs ont sciemment abusé de ce mécanisme.
Depuis la réforme initiée par la LOLF, les CS ont perdu leurs caractéristiques originelles. Ils n'ont plus seulement vocation à regrouper des opérations temporaires. Ils peuvent également rapprocher certaines recettes de certaines dépenses afin de suivre certaines opérations. Il s'agit donc d'isoler les activités financières relatives à ces opérations
3/La débudgétisation
Les pratiques de débudgétisations ont toujours tenté les Gouvernements dans le sens où elles lui permettent d'alléger le montant des dépenses figurant en loi de finances. La débudgétisation consiste à sortir des dépenses du budget de l'État pour les placer ailleurs, dans les budgets d'autres personnes publiques ou privées. Ce sont donc ces dernières qui financeront ces dépenses.
4/Les budgets autonomes
Les budgets des personnes publiques autres que l'État se sont développés. Ils sont appelés les budgets autonomes. De nombreuses personnes publiques ont un budget qui n'est pas regroupé dans la LF. Cela est logique en raison de leur indépendance à l'égard de l'État. C'est le cas de nombreux établissements publics (ex. : le Musée du Louvre qui est un EPA) et, bien sûr, des collectivités territoriales.