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Réforme des épreuves des concours : Moins de « bachotage » pour mieux recruter ?

février 2009

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L’administration se modernise et la fonction publique fait peau neuve. Dans l’optique d'une fonction publique de métiers, certaines réformes sont déjà en route comme la remise à plat des épreuves des concours. L'objectif est de professionnaliser le recrutement pour diversifier le profil des candidats. Concrètement, la réforme, à l’instar de ce qui a été mis en place dès janvier dernier pour l’accès aux IRA [1] , se traduit ainsi : des procédures réduites en nombre et des épreuves limitées à quelques grands concours professionnalisés.

Un système de recrutement qui a vieilli et qui ne satisfait aujourd’hui ni les employeurs ni les candidats

La réforme de la fonction publique est lancée. Si le principe du concours comme mode de recrutement de droit commun n’est pas remis en cause, il est appelé, comme cela a déjà commencé pour les épreuves de certains concours et examens (examen professionnel d’attaché territorial principal), à être profondément modifié.

L’entrée dans la fonction publique dépend d’un système de concours dans sa forme la plus répandue (épreuves écrites générales et/ou techniques, épreuves orales dont un entretien avec le jury) qui a mal vieilli : multiplicité inutile des épreuves de sélection, part à la culture générale faite au détriment de la reconnaissance des parcours professionnels et ce, malgré quelques avancées récentes obtenues grâce au droit communautaire[2] . La sélectivité très forte des concours conduit à un « bachotage » intensif, ce qui a conduit le Chef d’État, en septembre 2007, à déclarer [3] : « si les épreuves restent académiques, il n’y aura pas de brassage, pas d’ouverture, ni de diversité ».

Pour les promoteurs de cette réforme, parmi lesquels Corinne Desforges, auteur d’un rapport sur ce sujet en 2008 [4] , le maître mot est donc la professionnalisation des concours. Autrement dit, une sélection de nature professionnelle doit remplacer celle fondée sur des critères purement académiques afin de répondre de manière plus efficace aux besoins des services qui recrutent.

L’objectif de la réforme : faire du concours un outil de recrutement et non de sélection

Le lien entre le système de sélection et les besoins en compétences professionnelles ou relationnelles n’est plus vraiment visible. Or, les employeurs publics (État : ministères et services déconcentrés ; collectivités locales : communes, départements, régions… ; hôpitaux…) doivent désormais « recruter » leurs agents au lieu de les « sélectionner ».

Il faut dire que les enjeux sont importants. Le départ en retraite, accentué dans les prochaines années, des agents nés dans l’après-guerre (baby-boomers) bouscule la pyramide des âges de la fonction publique. L’embauche de personnels qualifiés va devenir tendue avec une concurrence qui jouera non seulement entre personnes publiques mais aussi avec le secteur privé. Même dans une hypothèse du nonrenouvellement d’un fonctionnaire sur deux, il faudrait recruter 190 000 fonctionnaires entre 2007 et 2011 pour compenser les départs à la retraite. Jamais, aussi paradoxal que cela puisse paraître, autant de fonctionnaires vont être recrutés.

Par ailleurs, l’objectif à demi avoué de cette réforme est de procéder à une nouvelle sélection, certainement plus sévère, des candidats, pour faire des économies, axe central de la révision générale des politiques publiques (RGPP). Organiser des concours (plus de 400 concours recensés) coûte cher (la location des salles, la mobilisation des surveillants et des examinateurs…). La parade de l’institution des droits d’inscription créée en 1985 a été vite abandonnée (1988) en raison des risques de discrimination qu’elle comportait.

Enfin, il ne faut pas oublier que la fonction publique doit aussi continuer à jouer un rôle social d’intégration en accueillant ceux qui ne veulent ou ne peuvent pas être intégrés dans le secteur privé.

Une réforme qui ne semble pas toutefois aller jusqu’à la suppression du concours

Un concours pour quoi faire ? Le concours est un « procédé de recrutement placé sous l’autorité d’un jury et destiné à sélectionner les meilleurs candidats pour un nombre limité d’emplois ouverts par l’administration » [5] .

Il existe différentes catégories de concours :

  •  A (ouverts aux candidats d’un niveau minimum Bac + 3) : la catégorie A correspond à des fonctions de conception, de direction et d’encadrement (attaché d’administration, ingénieur…), ainsi qu’aux emplois de l’enseignement ;
  •  B (niveau Bac au minimum) : la catégorie B correspond à des postes d’encadrement intermédiaire et d’application (technicien territorial, secrétaire, contrôleur de travaux…). Certains concours nécessitent en outre un diplôme à caractère professionnel (diplôme d’État d’infirmier, d’assistant de service social…) ;
  • C : la catégorie C regroupe pour l’essentiel des postes d’exécution exigeant souvent la maîtrise d’un métier (cuisinier, électricien…). En grand nombre ouverts sans conditions de diplôme, pour certains, il faut être titulaire d’un CAP, d’un BEP (ex. : concours de maîtres-ouvriers) ou du brevet des collèges (ex. : concours des agents de recouvrement du Trésor) ;

les « 3e concours » : ouverts aux candidats qui ont acquis une expérience dans l’exercice soit d’une activité professionnelle de droit privé (salarié d’une entreprise publique ou privée, indépendant, emplois-jeunes n’ayant pas le statut d’agent public), soit d’un mandat d’élu local, soit d’une activité associative (salarié ou responsable bénévole). Ces « 3e concours » permettent d’accéder à certaines écoles de la fonction publique (IRA, ENA, École nationale de la magistrature) ou encore d’accéder directement à des postes variés, relevant des domaines de l’enseignement, de la recherche, de l’animation…

Le principe du concours est une expression forte de la fonction publique notamment parce qu’il permet le respect de l’égalité d’accès par l’anonymat et joue un rôle d’ascenseur social. Les réformateurs rappellent qu’en 50 ans, la société a profondément évolué : le nombre des bacheliers ou des diplômés de l’enseignement supérieur a triplé. Consacré par le statut général de 1946, comme le procédé de droit commun pour le recrutement des fonctionnaires, le concours n’a jamais été remis en cause [6] mais il s’est « grippé ».

De nouveaux outils de recrutement ont été récemment introduits, se substituant au mode traditionnel des concours (PACTE, contrats aidés, RAEP [7] …). Pour autant, l’idée reste que le concours constitue un des piliers de la fonction publique. D’ailleurs, réussir à un concours externe ou un « 3e concours » demeure la clé d’accès presque incontournable à un emploi dans la fonction publique ; de même réussir à un concours interne ou à un examen professionnel permet de bénéficier d’une promotion professionnelle.

Pour adapter les concours à ces nouveaux publics et besoins de la fonction publique, la solution proposée est de faire des épreuves de quelques grands concours aussi professionnalisées que possible : épreuves éventuelles de pré-admissibilité, professionnalisation des phases d’admissibilité et d’admission.

La lutte contre le phénomène des candidats surdiplômés semble amorcée

Chaque type d’épreuves permet de valider des compétences différentes :

  • pour les épreuves écrites (d’admissibilité) :
  1.  la dissertation : la capacité à mener un raisonnement logique et à s’exprimer clairement ;
  2.  la note administrative : l’esprit d’analyse et de synthèse ;
  3.  le questionnaire à choix multiple (QCM) : le savoir et la vivacité d’esprit ;
  4.  le questionnaire à réponse courte (QRC) : le savoir et l’esprit de synthèse ;
  5.  le cas pratique : le savoir-faire…
  • de la même façon pour les épreuves orales (d’admission) :
  1.  l’entretien individuel de motivation qui, autour des sujets essentiels et personnels, permet de vérifier l’aisance verbale et le sens de la relation ;
  2.  la mise en situation qui permet de tester le candidat en situation réelle, elle diagnostique le bon sens du candidat…

La professionnalisation souhaitée passe par des changements d’ordre quantitatif et qualitatif. Quantitatif, d’une part : il est proposé de diminuer le nombre d’épreuves, de supprimer celles ne correspondant pas au niveau de diplôme requis pour le concours et d’alléger les programmes. Qualitatif, d’autre part : progressivement l’idée est de mettre fin à l’académisme de certaines épreuves et à leur contenu trop universitaire. Cela permettrait entre autres, de lutter contre la place prise par les surdiplômés. À titre d'exemple, aucune question de droit public ne devrait être posée dans des concours de catégorie B ou C. Sera alors privilégiée l’appréciation de la « capacité du candidat à s’insérer dans sa future vie professionnelle ».

Vers une dissociation des différentes formes de recrutement

Il est également suggéré pour les professions réglementées de recourir plus fréquemment aux « concours sur titres » : les candidats sont présélectionnés sur dossier, et passent ensuite un entretien d'embauche classique et il faut, pour postuler, posséder le diplôme demandé (assistante sociale, médecin, psychologue, infirmier territorial…). Quelquefois, les candidats sont juste sélectionnés sur dossier.

Les auteurs se prononcent pour une différenciation accrue selon les publics visés (candidatures internes, externes, 3e concours, promotion). Ainsi, le « concours externe » qui s’adresse à tout candidat remplissant les conditions pour se présenter au concours qui l’intéresse, doit répondre selon eux, plus directement au besoin de renouvellement. Il doit permettre aux candidats qui achèvent leurs études une insertion rapide dans la vie professionnelle et au service recruteur de rechercher les qualifications et compétences attendues. Leur inscription au concours pourrait être conditionnée à l’obtention du diplôme le plus proche de l’activité qu’ils exerceront, ou au moins favorisée par la possession d’un tel diplôme.

Le concours interne qui s'adresse à des candidats ayant déjà la qualité de fonctionnaire ou d'agent public et justifiant d'une certaine expérience professionnelle ou durée de service dans l'administration, doit lui, permettre à des jeunes qui veulent progresser vite et avoir plus de responsabilités de passer dans un corps supérieur pour lequel ils n’avaient pas les diplômes requis lors de leur entrée dans la fonction publique. La méthode préconisée est de tester non pas les connaissances du niveau de ce diplôme (« ce qui inciterait les surdiplômés à emprunter cette voie »), mais les compétences acquises et surtout, le potentiel à exercer des fonctions d’un niveau plus élevé avec notamment l'introduction de modalités différentes de recrutement pour les « internes » (VAE, pratiques professionnelles, effort de formation continue…). Car force est de constater que se préparer à un concours n'est pas évident pour les catégories les moins élevées. De plus, la motivation a tendance à se réduire avec l'âge. Pour les épreuves d’admission, les rapporteurs suggèrent d'ajouter la possibilité d'entretiens collectifs ainsi que des mises en situation.

Réservés sur l'introduction de tests psychologiques, les promoteurs de la réforme sont en revanche favorables aux tours extérieurs (voie qui s'adresse aux fonctionnaires appartenant à un corps de catégorie A et justifiant de certaines conditions d'ancienneté et de grade) et aux « assessment center » (évaluation de la personnalité, du style de travail, du comportement et des capacités dans le cadre d'un test global) en ce qui concerne les grands corps ou les A+.

Exemple de mise en œuvre : les épreuves d’accès aux IRA

Signe que la réforme des concours, même si elle semble modeste, est déjà significative : l’arrêté portant modification des épreuves d’accès au corps des attachés (catégorie A) des IRA [8] . Mis en œuvre depuis janvier 2009, il tire les conséquences des travaux de Mmes Desforges et Dorne-Corraze sur les concours d’accès à la FPE.

Les épreuves des trois concours sont les suivantes :

  • pour le concours externe : plus d'épreuve de « culture générale » ni d'épreuves sur options. Le secrétaire d'État à la Fonction publique a annoncé qu'il marginaliserait cette épreuve, « signe d'un élitisme stérile ». L'admissibilité repose désormais sur deux épreuves : l’une portant sur la place de l’État et son rôle dans les grands domaines de l’intervention publique (société, économie, emploi, santé, territoires…) et l’autre portant sur un contrôle des connaissances « basiques » (droit public, finances publiques…) et directement liées au métier de cadre, sous forme de QRC. L’admission ne s’assimile plus à un « grand oral » testant des connaissances souvent éloignées des exigences du métier de cadre A mais est fondée sur un entretien de recrutement avec mise en situation du candidat. S’y ajoute une épreuve de langue vivante étrangère, de moindre coefficient ;
  • pour le concours interne et le 3e concours, il n'y a plus que deux épreuves : un écrit d'admissibilité, prenant la forme d’une note administrative pour les internes et d'une note de synthèse pour les candidats au 3e concours ; un entretien d'admission se déroulant sur la base d’un dossier relatant l’expérience acquise par le candidat dans le secteur public et/ou le secteur privé.

La fin de la culture générale aux concours fait des vagues et certains annoncent que le niveau de recrutement va baisser, que l’on préfère « recruter utile plutôt que miser sur l’intelligence » [9] . Et que penser de l’étude de Sciences Po, concernant son concours d’entrée qui affirmait « la culture générale n’est pas une épreuve socialement discriminante » (…) « En effet, toutes choses étant égales par ailleurs, on ne constate aucune différence significative de note obtenue à l’épreuve de culture générale entre les classes socioprofessionnelles + et les classes socioprofessionnelles

L’épreuve sur dossier, instaurée en 1998 avec un objectif de neutralité sociale, répond de ce point de vue à toutes ces attentes » et conclut : « le principal enseignement de cette étude est qu’il n’existe pas d’épreuve « magique » qui mette tout le monde à égalité » ?

Alors, vers une réforme plus globale des concours ?

Toutefois, les auteurs, convaincus que c’est ainsi que la diversité du recrutement sera favorisée, recommandent également le renforcement et la professionnalisation des structures administratives chargées du recrutement. Il s’agit d’abord de mieux préciser la nature des besoins, des postes à pourvoir (connaissances « métier ») et la nature des profils et les valeurs attendues d'un candidat avant de définir le contenu des épreuves. Autres mesures souhaitées :

  •  professionnaliser la fonction de membre de jury ;
  •  évaluer l’efficacité a posteriori du recrutement par le biais d’enquêtes de satisfaction des employeurs et des recrutés.

Pour terminer, les auteurs esquissent une série de scénarios « plus audacieux », dont celui de « l’ouverture de concours par niveau, communs à plusieurs filières, suivis d’une formation par métier dans une école d’application et enfin, d’une affectation par direction ». Il s'agirait de remplacer les différents « concours ministériels d’un niveau donné par un concours interministériel ». Cette « interministérialité » pourrait être organisée par filière professionnelle (fonctions d’administration générale, spécialisée, technique…). Autre projet gigantesque : faire disparaître les 700 corps existants par une cinquantaine de familles de métiers regroupées en sept filières afin d’offrir plus d’homogénéité au niveau des recrutements dans les différents ministères, ce qui serait un « levier pour la mobilité ». Voilà reprise une idée du Chef de l’État, qui, rappelons-le, veut passer d’une fonction publique de corps à une fonction publique de métiers.

Sandrine BOTTEAU

1 Instituts régionaux d’administration. Au nombre de 5 (Bastia, Lille, Lyon, Metz et Nantes), ils ont pour mission de former les futurs attachés d’administration.

2 Issus de la directive 2005/36/CE qui instaure l’obligation de prendre en considération aux fins de reconnaissance, les diplômes du niveau immédiatement inférieur au diplôme requis, le décret n° 2007-196 du 13 février 2007 relatif aux équivalences de diplômes requises pour se présenter aux concours d’accès aux corps et cadres d’emplois de la fonction publique simplifie les mécanismes de prise en compte de l’expérience professionnelle et d’équivalence de diplôme.

3 Discours devant les élèves de l’IRA de Nantes, 19 septembre 2007.

4 Rapport établi par Corinne Desforges et Jean-Guy de Chalvron, inspecteurs généraux de l’administration, janvier 2008.

5 Didier Jean-Pierre, La professionnalisation des concours, Semaine juridique, 13 octobre 2008, p. 31 et s.

6 « Les fonctionnaires sont recrutés par concours, sauf dérogation prévue par la loi » - Loi n° 83-634 du 13 juillet 1983.

7 Reconnaissance des acquis de l’expérience professionnelle.

8 Journal officiel du 20 juin 2008.

9 François Deschamps, Recruter utile ou miser sur l’intelligence, La Lettre du cadre territorial, 15 janvier 2009, p. 27.

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