Depuis près de 14 ans[1], la durée statutaire[2] du travail dans les administrations des trois versants de la fonction publique[3] est de 1 607 heures (soit 35 heures/semaine, comme dans le privé). Mais sur le terrain, la durée serait moindre, la cause notamment aux sujétions particulières (contraintes, astreintes, nécessités de service… ouvrant droit à des congés supplémentaires) et aux décisions avantageuses prises par les employeurs publics afin de maintenir le régime de travail mis en place avant 2001. Une situation épinglée par la Cour des comptes[4], et qui appelle à des éclaircissements, à l'heure où la question de l’avenir de la fonction publique[5] revient sur la table des négociations.
« Temps de travail effectif », repos compensateur, RTT, ...de quoi s'agit-il ?
- à 1 582 heures pour l'agent en « repos variable » (c'est-à-dire qui travaille au moins 10 dimanches ou jours fériés par an),
- à 1 476 heures pour l'agent travaillant exclusivement de nuit qui effectue au moins 90 % de son temps de travail annuel en « travail de nuit », c'est-à-dire entre 21 heures et 6 heures, ou une autre période de 9 heures consécutives entre 21 heures et 7 heures[8].
Mais la durée du temps de travail peut également être supérieure à 35 heures hebdomadaires en application d'accords établis par administration, après consultation du comité technique. Les accords prévoient alors des modes de compensation, notamment sous forme de congés, mieux connus sous le nom de « jours de réduction du temps de travail » (RTT). Ils sont calculés à partir : du nombre de jours travaillés par an, du nombre de jours de congé de maladie pris dans l’année et du nombre maximum de jours de RTT possible, nombre qui dépend de la durée hebdomadaire de travail, et doit donc respecter les limites réglementaires (ex. 20 jours annuels de RTT si l'agent travaille entre 38 h 20 et 39 heures/semaine, 3 jours s'il travaille 35 heures 30/semaine). Les règles d'utilisation des jours RTT sont fixées par l'organe délibérant après avis du comité technique.
Une situation qui faisait noter à l'INSEE, dans une étude publiée en 2012, que le nombre moyen de jours de congés était, en 2010, de 45 jours pour les fonctionnaires (hors enseignement) contre 36 jours dans le privé. Parmi les fonctionnaires, ceux de l’État sont les mieux lotis avec 48 jours de congés, soit 8 semaines de vacances. Un nombre toutefois à relativiser, le stock de jours de congés ne signifiant pas que tous ces jours sont effectivement pris… En effet, les agents de la fonction publique territoriale et de la fonction publique hospitalière peuvent également disposer d'un compte épargne-temps (CET) leur permettant d'accumuler des jours de congés rémunérés sur plusieurs années. Or, les DRH relèvent une progression des CET ces dernières années. Raison avancée : ces agents ne peuvent pas prendre tous leurs congés (RTT[9], congés annuels), notamment à l’hôpital, dans la police et dans les secteurs chargés d’assurer la continuité territoriale des services publics.
Des garanties minimales à respecter, inspirées du privé mais adaptées aux nécessités du service public
Par ailleurs, si la durée légale du temps de travail ne constitue pas une norme impérative, l'employeur public se doit, comme pour le privé, de respecter la réglementation liée à la durée maximale quotidienne et hebdomadaire.
Plus précisément, la durée de travail effectif (en tenant compte des éventuelles heures supplémentaires) ne peut pas dépasser, à l’État et dans la Territoriale, les limites suivantes : 10 heures par jour, 48 heures par semaine, 44 heures par semaine en moyenne sur une période de 12 semaines consécutives[10]. Des limites reprises sur celles posées dans le privé. De son côté, l'agent hospitalier bénéficie d'un repos quotidien de 12 heures consécutives minimum et d'un repos hebdomadaire de 36 heures consécutives minimum. Le nombre de jours de repos est fixé à 4 jours pour 2 semaines, dont 2 au moins doivent être consécutifs et comprendre un dimanche. En cas de travail continu, la durée quotidienne de travail ne peut pas excéder, sauf contraintes de service particulières : 9 heures pour les équipes de jour, 10 heures pour les équipes de nuit.
Toutefois, service public oblige, deux situations précises permettent de déroger à ces garanties minimales :
- les cas de « circonstances exceptionnelles », c’est-à-dire quand une situation entraîne un trouble à l'ordre public ou entrave le fonctionnement des services publics, intempéries (neige, inondation…), catastrophe naturelle (tremblement de terre…) ;
- lorsque l'objet public l'exige, notamment pour les agents affectés à la protection des personnes et des biens (ex. sapeurs-pompiers professionnels[11]…).
Pour se faire une idée de la réalité du temps de travail des fonctionnaires, il faut reprendre les dernières enquêtes nationales. Ainsi, l’enquête « Surveillance médicale des expositions aux risques professionnels » (Sumer) de 2010 mentionne que 23 % des agents de la fonction publique d’État déclarent avoir travaillé plus de 40 heures dans la semaine précédant l’enquête (contre 18 % en moyenne). L’enquête Emploi de l’Insee [12] établissait quant à elle, à 1 346 heures la durée moyenne annuelle du travail, en 2007, pour les femmes et à 1 470 heures pour les hommes tous secteurs confondus, et montrait que dans le secteur privé, il faut ajouter à ces chiffres, 92 heures pour les femmes et 102 heures pour les hommes. « Des écarts qui ont tendance à se réduire », affirmait la directrice générale de l’administration et de la fonction publique (DGAFP) Marie-Anne Lévêque, auditionnée sur le sujet en juillet dernier[13], prenant pour exemple les horaires atypiques, plus fréquents dans la fonction publique, avec 42 % des agents qui travaillent le dimanche, même occasionnellement (contre 31 % dans le secteur privé) et 18 % la nuit (14 % dans le privé).
Organisation du temps de travail : cycles de travail, heures supplémentaires, astreintes plus fréquemment atypiques que dans le privé
- critères de recours aux différents cycles en fonction des services,
- durée des cycles,
- bornes quotidiennes et hebdomadaires,
- modalités de repos et de pause[17] (comme l'ampleur de la pause méridienne, par exemple).
Dans ce cadre, l'administration peut - là encore, comme dans le privé - instaurer un système d'horaires variables. L'employeur définit alors une période de référence, en principe une quinzaine ou un mois, au sein de laquelle chaque agent doit accomplir un nombre d'heures de travail correspondant à la durée réglementaire pour la période considérée (ex. 70 heures pour une quinzaine), avec un dispositif dit de « crédit-débit » qui peut permettre le report d'un nombre limité d'heures de travail d'une période sur l'autre (ex. 6 heures pour une période de référence de 15 jours). L'organisation des horaires variables doit être déterminée en tenant compte des missions spécifiques des services ainsi que des heures d'affluence du public. Aussi, soit l'agent devra assurer une vacation minimale de travail ne pouvant être inférieure à 4 heures/jour, soit des plages fixes d'une durée minimale de 4 heures par jour seront fixées, au cours desquelles la présence de la totalité du personnel est obligatoire, et des plages mobiles, à l'intérieur desquelles l'agent choisit quotidiennement ses heures d'arrivée et de départ.
Ensuite, à la demande du chef de service, l'agent peut être amené à dépasser les bornes horaires. Il effectue alors des heures supplémentaires. Dans la fonction publique territoriale et à l’État, le nombre d'heures supplémentaires que peut accomplir un agent est limité à 25 heures par mois (300 heures par an), contingent qui peut être dépassé pour une liste de fonctions ou « en cas de circonstances exceptionnelles et pour une durée limitée, sur décision du chef du service qui en informe immédiatement le comité technique ». Dans la fonction publique hospitalière, la limite est de 180 heures par an, portée à 220 heures notamment pour les cadres de santé infirmiers, les sages femmes ou encore les manipulateurs d'électroradiologie médicale. Un système aujourd'hui difficilement quantifiable et parcellaire, la DGAFP ne pouvant s’en remettre qu’aux fiches de paie pour estimer le niveau d'heures supplémentaires effectué par les fonctionnaires.
En effet, ces heures supplémentaires donnent lieu soit à récupération, soit à indemnisation, appelées IHTS (indemnités horaires pour travaux supplémentaires) à l’État et dans la Territoriale. La liste des corps ou cadres d'emplois susceptibles de pouvoir bénéficier de ces indemnités est fixée par arrêté ministériel ou délibération dans la Territoriale. Le versement des IHTS est subordonné à la mise en oeuvre de « moyens de contrôle automatisé des horaires de travail » (ex : pointeuse, badgeuse) sauf pour les personnels exerçant hors de leurs locaux de rattachement ou les sites comprenant un effectif d'agents susceptibles de bénéficier des IHTS inférieur à 10 (le décompte est alors déclaratif). Un moyen de contrôle qui, 14 ans après la mise en place des 35 heures, est aujourd'hui salué par la DGAFP car selon elle, « considérée alors comme un “épouvantail” par les syndicats, (la pointeuse) a permis d’améliorer le contrôle des horaires. Et puis cela a aussi permis de limiter les jours d’absence de courte durée, les agents faisant plutôt le choix de poser une journée de RTT »[18]. Toutefois, toujours selon la DGAFP des améliorations restent à apporter. S’appuyant sur une récente enquête de la Dares, la DGAP souligne que l’intensification du travail – reconnue comme facteur de risques psychosociaux – est prégnante surtout dans la FPH. Quant à l’État, « Les agents (…), notamment dans les ministères, ne connaissent souvent pas de limite à la durée du travail, 42 % des cadres étant rémunérés au forfait sans référence à un décompte horaire quotidien ».
Autre point à préciser, l’organe délibérant est chargé de déterminer, après avis du comité technique compétent, les cas dans lesquels il est possible de recourir à des astreintes et des permanences, les modalités de leur organisation et la liste des emplois concernés.
L'astreinte est la « période pendant laquelle l’agent, sans être à la disposition permanente et immédiate de son employeur, a l’obligation de demeurer à son domicile ou à proximité afin d’être en mesure d’intervenir pour effectuer un travail au service de l’administration » (Article 2 du décret n°2005-542 du 19 mai 2005). Elle ne doit pas être décomptée dans le temps de travail effectif. En revanche, lorsque l’agent est sollicité, la durée de l’intervention, ainsi que, le cas échéant, le temps de déplacement aller et retour sur le lieu de travail, doit être considéré comme du temps de travail effectif. Les astreintes assurées par les agents sont indemnisées ou donnent lieu à des repos compensateurs selon les modalités de versement et les montants fixés par les décrets relatifs aux modalités de la rémunération ou de la compensation des astreintes et des permanences dans chaque fonction publique ainsi que les arrêtés pris pour leur application. En sont exclus les agents qui bénéficient d’une concession de logement par nécessité absolue de service ou d’une bonification indiciaire au titre de l’exercice de fonctions de responsabilité supérieure (ils bénéficient alors d'IHTS).
La permanence correspond à l'obligation faite à un agent de se trouver sur son lieu de travail habituel ou un lieu désigné par son chef de service, pour nécessité de service, un samedi, un dimanche ou lors d'un jour férié sans qu'il y ait travail effectif ou astreinte[19].
Des périodes qui posent aux DRH de nombreuses difficultés pour le calcul du temps de travail effectif, notamment par le fait que les heures de permanence, par exemple, comportent certes du temps de travail effectif mais aussi des périodes d’inaction. Pour résoudre en partie ces difficultés, les textes nationaux (cf. Décret n° 2000-815 du 25 août 2000 article 8 pour la fonction publique d’État et l'article 8 du Décret du 12 juillet 2001 pour la fonction publique territoriale) ouvrent la faculté aux employeurs, de mettre en place des régimes d’équivalence entre les temps de permanence et de travail « réellement » effectif. Ils consistent à considérer que toutes les heures de présence d’un agent, au sein de l'administration, ne correspondent pas totalement à du temps de travail effectif. Cette équivalence se justifie par le temps d'inaction du fonctionnaire (ex. surveillance nocturne)[20].
Plus d'harmonisation et de transparence à l'avenir ?
1 2000 pour l 'Etat, 2001 pour la FPT et la FPH (cf. textes cités dans « Pour aller plus loin »).2 Le Statut reprend pour les fonctionnaires les règles qui sont régies pour les salariés du privé dans le Code du travail. Le statut général de la fonction publique est constitué de quatre titres : « Dispositions générales » Titre I : Loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires (loi Le Pors) ; « Fonction publique de l'Etat » Titre II : Loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat ; « Fonction publique territoriale » Titre III : Loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale ; « Fonction publique hospitalière » Titre IV : Loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière3 Etat, hospitalière (hôpitaux et leurs établissements) et territoriale (collectivités territoriales : régions, départements, communes et leurs établissements : établissements public de coopération intercommunale (EPCI : syndicats ; communautés de communes, d'agglomération, urbaines, métropoles))...4 Rapport de la Cour des comptes rendu public le 17 juin 2014 sur la situation et les perspectives des finances publiques, établi en application de l’article 58-3° de la loi organique relative aux lois de finances.5 La ministre en charge de la fonction publique, Marylise Lebranchu, a officiellement lancé mardi 1er juillet 2014 une négociation au long cours avec les syndicats de fonctionnaires pour améliorer les carrières des agents. Source : AFP6 Directive européenne n°93-104/CE du 23 novembre 19937 Le comité technique est une instance de concertation chargée d’examiner les questions relatives à l’organisation et au fonctionnement des services (ex. gestion prévisionnelle des effectifs, des emplois et des compétences (GPEEC), …).8 Source : http://vosdroits.service-public.fr/particuliers/F573.xhtml – Mise à jour 19 mai 2014. Dans la FPT et la FPE, le « travail de nuit » comprend au moins la période comprise entre 22 heures et 5 heures ou une autre période de 7 heures consécutives comprise entre 22 heures et 7 heures.9 Un fonctionnaire peut légalement, depuis avril 2014, offrir une RTT à un collègue (Cf. loi n° 2014-459 du 9 mai 2014 permettant le don de jours de repos à un parent d'un enfant gravement malade dit don de « RTT humanitaire »).10 Cf. Décrets d'application n°2000-815 (article 3) pour la FPE et la FPT11 Cf Décret n°2013-1186 du 18 décembre 2013 paru au JO du 20 décembre. La limite annuelle de 2 400 heures de travail précédemment en vigueur est passée cette année, à un plafond semestriel de 1 128 heures, soit 2 256 heures par an. Ce qui permet de respecter la limite maximale de 48 heures hebdomadaires en moyenne sur 47 semaines de travail. Le nombre de gardes de 24 heures est plafonné pour chaque sapeur-pompier professionnel à 94 par an.12 « En 2007, les salariés à temps complet ont dépassé, en moyenne, les « 35 heures » », Lucie Gonzalez et Anne Mansuy, INSEE, n°1249, JUILLET 200913 Audition du 23 juillet 2014 par la commission d’enquête parlementaire sur l’impact de la réduction progressive du temps de travail (Source : Assemblée nationale).14 CAA de Nancy, n°06NC01450, 30 octobre 2008.15 CE, n°312900, 2 octobre 200916 Il est aussi chargé de respecter les cas légaux particuliers d'aménagement du temps de travail (comme le temps partiel thérapeutique fixé par l'article 57 de la loi n°84-53 du 26 janvier 1984 ; les facilités pour les femmes enceintes ; les aménagements d'horaires pour les fonctionnaires handicapés ou pour le conjoint ou le parent fonctionnaire d'une personne handicapée fixé par les articles 60 et suivants de la loi n°84-53 du 26 janvier 1984 pour ce qui concerne la FPT).17 cf. Article 4 du Décret n°2000-815 (pour la FPE) ; article 4 du Décret n°2001-623 du 12 juillet 2001 (pour la FPT) ; article 9 du Décret n°2002-9 du 4 janvier 2002 (pour la FPH)18 Audition du 23 juillet 2014 par la commission d’enquête parlementaire sur l’impact de la réduction progressive du temps de travail (Source : Assemblée nationale).19 CAA Marseille, n° 09MA00406, 22 mars 201120 Si la directive européenne du 23 novembre 1993 ne fait pas obstacle à ce régime national, la Haute Assemblée a eu l'occasion de dire que l'employeur doit toutefois respecter les garanties minimales (temps de pause, durée de travail maximum...) fixées – non par les règles nationales – mais par la directive communautaire (CE, n° 242727, 15 mars 2006 ; cf. également CJCE, 1er décembre 2005, M. Ebdelkader Dellas).21 Rapport de la Cour des comptes, sur la situation et les perspectives des finances publiques, juin 2014.22 Rémunération dans la Fonction : vers un cadre motivant ?! », Carrières publiques, Août 2014»23 Rapport sur la fonction publique, Bernard Pêcheur, Président de section au Conseil d’Etat, 4 novembre 2013 Bernard Pêcheur fut directeur général de l'administration et de la fonction publique de 1989 à 1993.
Pour aller plus loin :
- Directive européenne n° 93-104/CE du 23 novembre 1993
- Loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 modifiée portant droits et obligations des fonctionnaires, article 7-1
- Loi n° 2010-1657 du 29 décembre 2010 de finances pour 2011 : article 115
- Décret n° 2000-815 du 25 août 2000 relatif à l'aménagement et à la réduction du temps de travail dans la fonction publique de l'État
- Circulaire du 18 janvier 2012 relative à la réduction des droits à RTT en cas de congé pour raison de santé dans la fonction publique
- Décret n° 2001-623 du 12 juillet 2001 relatif à l'aménagement et à la réduction du temps de travail dans la fonction publique territoriale
- Décret n° 2005-542 du 19 mai 2005 relatif aux modalités de la rémunération ou de la compensation des astreintes et des permanences dans la fonction publique territoriale
- « En 2010, les salariés ont pris en moyenne six semaines de congé », Vincent Biausque, Céline Thévenot et Loup Wolff, division Emploi, Insee, N° 1422 - novembre 2012.
- Rapport annuel sur L’État de la fonction publique édition 2013, chapitre « temps et conditions de travail »